Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/507

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sillons. Cette objection est simplement spécieuse & rien de plus. Les principes constituant la végétation, répandus dans la terre, & attractifs ; de semblables principes disséminés dans l’atmosphère, (voyez les mots déja cités) sont l’humus, ou proprement dit, terre végétale, l’eau, les sels, l’huile & l’air. Or, on a vu, sans les articles cités, que leur combinaison ne pouvoit avoir lieu que par la chaleur qui établit la fermentation ; la fermentation, leur décomposition, & de leur décomposition la formation de la sève, ou substance dans l’état savonneux. De tous ces principes quel est celui susceptible de s’évaporer ? c’est l’eau ; mais cette eau n’entraînera pas les sels, les huiles, à moins qu’on ne les suppose des huiles essentielles & volatiles ; (c’est ce qu’il faudroit prouver).

Je conviens cependant, que si la terre est dans une siccité complette, les combinaisons des principes ne pourront avoir lieu, puisque les corps ne réagissent les uns sur les autres, que lorsqu’ils sont tenus en dissolution. Ainsi, admettons que la combinaison dont il s’agit soit suspendue ; mais il n’est pas moins vrai que pendant ce temps la terre en opère une nouvelle avec les météores aériens, & peut-être dans cet état, est plus susceptible que dans tout autre, de s’approprier leurs principes. Une simple & facile expérience va le prouver. Prenez une de ces grosses mottes de terre jetée sur le faîte du sillon par la charrue, & qui pendant une sécheresse de deux ou trois mois aura été exposée aux rosées, aux impressions de l’air, à la lumière & à la chaleur du soleil ; remplissez un vase avec cette terre ; remplissez un autre vase avec la terre qui n’aura pas reçu les impressions de cet astre ; semez, arrosez au besoin, en observant que toutes circonstances soient égales, & vous verrez dans lequel des deux vases seront les plantes d’une plus belle végétation. Sans recourir à cette expérience dont des tours de mains peuvent changer les produits, tout le monde a sous les yeux celle de la terre lessivée par les salpêtriers, dont ils auront tellement extrait les sels & les huiles, qu’on tenteroit en vain de semer, & dans laquelle aucune graine ne germera ; mais si on laisse cette terre sans addition quelconque, exposée aux effets météoriques pendant quelques mois, les salpêtriers en retireront comme auparavant, du nitre, & une eau-mère huileuse. D’où sont donc venus ces nouveaux principes à cette terre, sinon de l’air ?

Ces deux expériences prouvent donc d’une manière complette, non-seulement l’inutilité, mais encore l’abus de herser après chaque labour.

L’évaporation, ajoute-t-on, ressemble à la distillation, & dans la distillation, les huiles essentielles & volatiles s’élèvent avec l’eau : donc il y a plus d’évaporation des principes lorsque la terre est sillonnée. Cette objection que je présente dans toute sa force, est, de toutes celles qu’on a faites, la plus avantageuse au problème des fréquens hersages, puisque si l’on suppose la combinaison savonneuse déjà formée, il est clair que l’eau ne peut s’évaporer sans entraîner avec elle une partie de la portion huileuse ou graisseuse, rendue soluble & miscible par l’inter-