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rent. Il faut connoître les principes constituans des huiles pour en faire de bonne, & pour la conserver longtemps sans qu’elle se détériore. Entrons en matière. Il y a deux espèces d’huile.

L’huile grasse qu’on retire par expression, & l’huile essentielle ou éthérée, qu’on obtient communément par la distillation, & rarement par l’expression. Voici les caractères de l’une & de l’autre.

Le règne végétal seul fournit les huiles grasses, & l’on peut dire que toutes les graines ou semences en contiennent plus ou moins. Cette assertion, malgré sa généralité, est vraie, quoiqu’elle souffre des exceptions. On convient cependant que le travail & la dépense nécessaires pour extraire l’huile de toutes les espèces de semences, excéderoient de beaucoup le produit. Si on veut facilement reconnoître les graines susceptibles de donner un bénéfice, il suffit de jetter dans un mortier une certaine quantité de ces semences, d’y ajouter de l’eau, & de broyer le tout : l’eau devient alors laiteuse, & forme ce qu’on appelle une émulsion. Tous les noyaux des fruits, les pépins, les semences des courges, des melons, des concombres ; toutes les semences des plantes à siliques, dont la fleur est en croix, comme du chou, de la rave, de la moutarde, &c., en fournissent la preuve. En un mot, toutes les graines, dont l’intérieur est rempli par une amande, donnent de l’huile grasse par expression. L’olive est peut être le seul fruit dont la pulpe contienne de l’huile grasse. Son noyau & son amande en contiennent également, mais dans un état de combinaison différent de la première, comme on le verra par la suite. L’émulsion est la pierre de touche pour reconnoître les semences huileuses.

L’huile grasse existe toute formée dans la graine ou dans la pulpe de l’olive. C’est un mixte qui leur est essentiel, & sans lequel elles ne sauroient exister. L’art ne l’y crée point, les manœuvres de l’ouvrier n’y forment aucunes combinaisons nouvelles, & l’huile grasse extraite est la même que celle qui existoit pareillement libre dans le végétal. Au contraire, les huiles éthérées ou essentielles, sont indifféremment placées dans les enveloppes de ces semences, dans les calices, les pétales, les feuilles, les bois, les racines, ou seulement dans quelques-unes de ces parties. Elles y sont très-souvent combinées dans un état résineux ; (voy, le mot Résine, ou Résino-gommeux, & le mot Gomme) ; c’est pourquoi on a plutôt recours à la distillation qu’à l’expression pour les en extraire.

L’existence de ces deux huiles dans la même graine, mais placée différemment, produit des effets singuliers lors de l’expression ; j’en parlerai dans la suite.

L’huile grasse récente, & bien faite, est douce, sans odeur, & elle ne se volatilise pas au degré de l’eau bouillante. L’huile essentielle est toujours âcre, toujours combinée avec l’esprit recteur ; par conséquent, odorante, & elle se volatilise à une chaleur moindre que celle qui fait bouillir l’eau.

L’esprit recteur, ou principe odorant de tous les corps, est subtil & volatil à l’excès ; c’est lui qui, avec une seule fleur d’héliotrope embaume l’air