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CHAPITRE II.

Observations pratiques sur la fabrication fes Huiles.


Section Première.

De la Récolte des graines à Huile.


Les semences, relativement à notre goût & à la qualité essentielle des huiles grasses, qui est la douceur & la suavité, ont un vice originel, je veux dire que, sortant du moulin, elles sont déjà âcres, & j’en ai indiqué la cause, ainsi que de leur saveur légèrement caustique. Les mauvaises manipulations, suite ou de l’ignorance, ou de la paresse, ou des préjugés, ajoutent à ces vices naturels, & conduisent les huiles retirées des graines à une prompte & manifeste rancidité, & à une odeur détestable.

Si la graine n’est pas bien mûre quand on coupe la plante, les principes qui doivent former l’huile ne sont point dans leur perfection ; on en aura moins d’huile, elle sera plus mauvaise, & si elle n’est pas mûre, on n’en obtiendra point. Il faut cependant que la graine ne soit pas dans une si parfaite maturité qu’elle fasse craindre d’en perdre beaucoup en abattant la plante ; elle sera fauchée ou sciée, ou coupée dans un beau jour, étendue sur la terre pour qu’elle sèche parfaitement, ensuite mise en meule ou portée à sécher sous un hangar. Mais on aura soin de faire un lit de paille & un lit de plantes, pour que l’humidité ne s’y conserve pas ; car si ces plantes ne sont pas sèches, elles s’échauffent, pourrissent, communiquent une humidité corrompue & chaude à la semence ; le mucilage de la graine & même celui de l’huile, subit alors une altération qui le décompose en partie, ce qui rompt son état de combinaison avec le principe huileux éthéré.

Cet accident arrive aussi à la graine même quand elle n’est pas bien mûre & qu’elle est fermée humide. Cette graine est de la classe des substances végétales qui attirent &c retiennent l’humidité de l’air ; ce qui fait que cette semence est elle-même sujette à la rancidité, lorsqu’elle est gardée trop long-temps ou qu’elle l’est sans précaution ; telles sont toutes les semences émulsives, à moins qu’elles n’aient éprouvé la correction dont nous parlerons dans la suite.

Lorsque la graine est sèche, il est dangereux de lui enlever la coque qui la couvre, soit en froissant cette graine, soit en la faisant tomber de trop haut, soit enfin par d’autres causes quelconques ; alors son amande à nu & à découvert, rancit facilement & communique son mauvais goût à l’huile, & cette huile devient détestable s’il y a une certaine quantité de graines viciées.

J’ai passé ici très-légèrement sur la manière de récolter les graines, de les conserver, &c., afin d’éviter des répétitions. Il faut à ce sujet consulter l’article Chou, Chou-Colza, page 316, tome III, & ce que j’ai dit dans cet article s’applique en général à la conservation de toutes les graines destinées à donner de l’huile. J’ajouterai seulement que si on tarde plus de quatre ou cinq mois à porter la graine au moulin, (suivant la chaleur du climat), son mucilage sera si sec qu’il ne pourra pas se combiner avec l’huile.