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huiles presqu’exemptes de fumée, lorsqu’elles brûlent dans les lampes.

On se sert communément de vastes bassins en ciment, en béton, (voyez ces mots), ou en pierre ou en plomb coulé ou laminé, qui ont autant de surface qu’on peut, ou qu’on veut leur donner, sur cinq à six pouces de profondeur. On les remplit aux deux tiers d’eau, & d’huile pour l’autre tiers. Ces bassins sont exposés à l’air libre, & à toute l’action du soleil. La masse s’échauffe, l’air fixe se dégage, le mucilage se précipite, le soleil décolore l’huile, comme il blanchit la cire, & après quinze jours ou trois semaines, voilà une huile sans couleur, approchante de celle de l’eau, d’une odeur très forte, rance par excellence, & presque réduite à la qualité d’huile essentielle. Si le bassin est en plomb, il faut moins de temps pour blanchir l’huile ; mais outre son goût & son odeur abominable, je ne voudrois pas manger de l’huile préparée dans ces bassins, parce qu’elle dissout beaucoup de plomb. De temps à autre, on ajoute par aspersion un peu d’eau sur l’huile dans les bassins ; ces gouttelettes qui imitent celles de la pluie, entraînent, en allant à fond, la partie du mucilage qui resta adhérente à l’huile. On pourroit se servir de cette méthode dans la préparation des huiles à brûler, & que l’on consomme dans les grandes villes. Revenons à l’objet dont cet épisode nous a éloigné.

À quelle époque faut-il porter les olives au moulin ? Voilà une question sur laquelle les sentimens sont singulièrement partagés, & j’oserai dire qu’ils tiennent plus à l’habibitude qu’à une expérience raisonnée. L’huile d’Aix en Provence, & de quelques cantons de cette province, est la plus estimée, la plus douce & la meilleure que l’on connoisse dans le monde entier. On ne manquera pas de dire que cela tient aux espèces d’oliviers cultivés dans ce pays, au terroir, &c. ; cela est vrai jusqu’à un certain point ; mais la qualité supérieure de ces huiles ne tient-elle qu’à cela ? je ne puis me le persuader, & j’ai même la preuve la plus complette du contraire, puisque j’ai fait en Languedoc, des huiles aussi fines, aussi douces, que les plus parfaites d’Aix, auxquelles il ne manquoit que le goût particulier du terroir qu’elles seules possèdent. Il en est des huiles, comme des vins du Clos de Vougeau, de la Romanée, de Reuilli, de Nuits, de Beaune, &c. faits avec les mêmes espèces de raisins ; & cependant, tous caractérisés par une saveur propre, & qui les distingue.

J’ai pris pour exemple les huiles d’Aix, comme les plus parfaites ; mais à quelques exceptions près, je dis que leur perfection tient à la manière de les fabriquer, ou plutôt à la manière de les cueillir ; & au peu d’intervalle que l’on met du moment de la cueillette à celui du transport au moulin. On y cueille les olives à la main, & par conséquent, aucune n’est meurtrie ni écrasée par la gaule, ou par la chute ; pendant toute la journée elles sont étendues sur des draps, le soir portées à la maison, & aussi-tôt étendues sur le plancher par lits minces & peu épais, Elles restent