Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/649

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Fruit, baies molles, charnues, pleines de suc, creusées dans la partie antérieure en grelot, et d’une belle couleur rouge vif. Elle renferme une semence ou noyau pointu, fort luisant ;’le sommet de ce noyau sort quelquefois de sa capsule.

Feuilles, toujours vertes et d’un vert brun, excepté à leur naissance ; aiguës, serrées et rangées sur leur pétiole comme les dents d’un peigne. Elles sont linéaires, très entières.

Racine, grosse, dure, profonde.

Port ; arbre très-dur, rougeâtre, veiné, presqu’incorruptible ; les fleurs naissent seules à seules et des aisselles des feuilles.

Propriétés. Cet arbre, dit-on, aime les lieux sauvages & élevés, où il croît naturellement. Je croirois plutôt qu’il étoit autrefois très commun en France, que peu à peu nous l’y avons détruit, et qu’enfin, s’il existe aujourd’hui dans les endroits âpres et écartés, sur des rochers menaçans, c’est qu’on n’a pu les couperer. En effet, il en existe près de Salins en Franche-Comté, dans le Valais ; on en voit de très-vieux à Sainte Beaume en Provence, dans la forêt d’Atos, dans les Pyrénées, etc. Malgré la proscription à laquelle cet arbre a été voué, je ne crains pas de dire qu’il en existe plus aujourd’hui dans les jardins que dans tout le reste du royaume. Il résultera de cette proscription, qu’une fois entièrement chassé des jardins, cette espèce d’arbre deviendra on ne peut plus rare, et que l’on finira peut-être par l’anéantir. Cependant, je demande grâce pour lui : si on l’exclud des jardins, qu’on le laisse au moins vivre dans les forêts, et dans son pays natal ; son tronc peut s’élever a la hauteur, de quarante, pieds, son bois est incorruptiblë, aucun n’est à comparer pour la conduite des eaux. Il le dispute au buis pour le tout, et à tout autre bois dans le charronnage ; car, outre sa dureté et la longueur de son existence, il est doux, souple et liant ; ses rameaux sont excellens pour faire des échalas ; heureux celui qui en auroit un assez grand nombre pour ses vignes ! de trente ans il n’en achèteroit pas de nouveaux. Le bois du meilleur chêne vert ne vaut pas mieux que l’if pour faire des dents de roues de moulins. Ce bois prend au tour un beau poli, et est susceptible d’un noir aussi brillant que celui de l’ébène.

Les anciens plantoient des ifs dans les cimetières. La couleur sombre de leur feuilles augmentoit les idées noires qu’inspirent ces lieux lugubres, où tout rappelle la destruction

La facilité avec laquelle on taille l’if, et la docilité de ses branches à prendre la forme qu’on veut leur donner, les avoit fait admettre dans les jardins d’ornement. On les a taillés en pyramides rondes, carrées, entrecoupées. Elles étoient disposées le long des allées, et un jardinier se croyoit un homme fort habile lorsqu’il étoit parvenu à leur donner une forme contre nature, Cet usage subsiste encore dans toutes sa vigueur en Flandre, en Hollande, &c. ; on voit sur-tout à Bruges, dans un jardin religieux, où l’on a grand soin de conduire les étrangers, de très-grands ifs qui représentent en figures colossales, des tours de girandoles, &c. : un