Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/660

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qui doivent être incendiés, si on ne peut les en retirer, & les renverser du côté de l’embrasement ; le second est d’employer dans le même temps le plus grand nombre d’ouvriers qu’on pourra, pour ouvrir le fossé & peler la surface du terrain par derrière & à une certaine distance. Ce que je dis des forêts s’applique aux moissons, aux prairies prêtes à être fauchées ; bien entendu, si en a le temps, car la flamme vole d’une rapidité surprenante, pour peu qu’elle soit animée par un courant d’air. C’est ici le cas de peler le sol, d’enlever une couche de terre tout autour de la pièce incendiée si le vent est variable, & s’il est fixe, au dessous du vent, afin de préserver les pièces voisines.

Dans les provinces où l’on est dans la fâcheuse habitude, que la pauvreté rend quelquefois indispensable, de former le toit avec du chaume, le plus léger incendie y devient souvent un embrasement général par les flamèches emportées par les vents sur les toits voisins. L’humanité, le spectacle affreux, l’idée de dévastation, de destruction, tout, en un mot, porte chaque habitant à voler au secours de la maison incendiée, afin de sauver les meubles, les grains, les bestiaux, &c. je suis bien éloigné de blâmer ce zèle, mais est-il assez éclairé ? Si les progrès du feu sont rapides, les secours médiocres, l’eau rare, à quoi aboutiront tous les travaux ? à rien ; l’incendie gagnera de proche en proche, & le village sera la proie des flammes, pour peu que les maisons soient rapprochées. Une seule année ne se passe pas sans voir renouveler ces scènes d’horreur. Le seul parti à prendre est de couper les poutres qui supportent les toits des deux maisons voisines ; c’est un malheur, j’en conviens, pour les propriétaires ; ils ne l’auroient pas moins éprouvé par le feu ; mais au moins on sauvera les autres maisons voisines. Si dans les campagnes, comme dans les grandes villes on avoit la ressource de l’eau, des pompes, des seaux, de la multiplicité des bras, à force de secours prompts & bien dirigés, la sape seroit moins nécessaire, & se réduiroit au toit de la maison en proie aux flammes ; au lieu que dans les campagnes on trouve à peine quelques cruches, & souvent l’eau est très-éloignée. Règle générale, abattre & couper tout ce qui environne la partie incendiée, est le moyen le plus prompt, le plus sûr, si l’on sait prendre son parti à propos. Le moment est critique, on ne doit donc pas le perdre, mais plutôt le devancer.

Le feu pris à une cheminée dans une grande ville tire à peu de conséquence, parce que les murs sont bâtis solidement, & le briquetage est fort. À la campagne, tout se ressent d’une économie forcée, & tout par conséquent est dans un état de médiocrité qui va presque à la détresse. On se hâte de monter sur les toits, de boucher l’ouverture supérieure avec des linges mouillés, de même que l’ouverture inférieure, afin que le feu n’étant plus animé par le courant d’air, il s’étouffe de lui-même. La précaution est très-bonne lorsqu’on est assuré de la solidité de la cheminée ; mais s’il se trouve la plus petite lézarde, le plus petit jour entre les briques, la fumée y pénètre, la flamme la suit, & l’incendie