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vienne des orages. La terre y est quelquefois jusqu’à deux pieds de profondeur, les charrues ou les araires dont on se sert dans ces provinces ne sont pas en état, je ne dis pas de sillonner la terre, mais d’égratigner sa superficie. Le cultivateur est donc forcé d’attendre jusqu’à l’entrée de l’hiver, que la terre soit humectée par les pluies, & de labourer son champ coup sur coup, de semer à la hâte, & encore il ne pourra pas se flatter d’avoir une bonne récolte, puisque dans nos provinces méridionales on doit y semer aussitôt que dans les provinces froides, afin que les blés ayent le temps de pousser beaucoup en herbes & en racines, avant l’hiver. Si vous semez tard, les premières chaleurs du printemps surprennent la plante, qui n’a pas eu le temps de taller, de plonger ses racines ; enfin, sur dix récoltes consécutives, préparées de cette manière, on est assuré d’en avoir au moins neuf mauvaises, & très-mauvaises. Il n’y a rien à répondre à ces objections.

4°. Je suppose qu’on veuille semer des blés de mars dans les provinces dont il est question, on aura le temps, il est vrai, & la facilité de labourer & de préparer les terres pendant l’hiver, mais les chaleurs & la sécheresse surprendront les plantes lorsqu’elles commenceront à monter en épi, & on ne récoltera qu’une paille courte, maigre, sèche, & à peine retirera-t-on la semence. Les tristes expériences faites en ce genre ont fait abandonner la culture des mars dans les provinces méridionales… On ne peut nier ces faits.

5°. Les grains de mars, dans les provinces du nord, occupent la terre jusqu’au milieu du mois d’août ; il ne reste donc que six semaines au plus pour travailler le sol du champ, & cet espace est trop court, sur-tout si on possède une certaine étendue de terrain. Tout est fait à la hâte, & par conséquent tout est mal fait ; ainsi, soit au midi, soit au nord, du royaume, la jachère est indispensable.

6°. Si on supprime les jachères, que deviendront les troupeaux pendant le printemps & pendant l’été ? où trouveront-ils leur nourriture ? Il ne leur restera d’autres pâturages que l’herbe flétrie & couverte de poussière sur les bords & dans les fossés des grands chemins, & pour dernière ressource, celle des terrains incultes. Cependant le parcours des troupeaux est de la plus grande importance pour l’engrais des terres, sur-tout dans les provinces où la paille & les engrais sont rares & chers.

Je crois avoir présenté dans toute leur force, les objections contre la suppression des jachères. Il est facile de les multiplier encore, mais ce que l’on ajouteroit rentreroit dans un des six points. Voyons actuellement les réponses, qu’elles méritent, & s’il est vrai qu’elles tirent toutes leurs forces, du défaut de s’entendre, & de ce qu’elles portent sur une supposition qui n’existe pas.


Section II.

Des inconvéniens des Jachères, & de l’utilité de leur suppression.


Les partisans négatifs disent : On a établi dans la majeure partie de nos provinces le système des jachères ; 1°. d’après des suppositions erronées ; 2° parce que les moyens de cu-