Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/142

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article en entier, afin de connoître les opinions des différens auteurs sur la manière de labourer & sur les effets résultans de ce travail. Lisez également l’article Engrais.

Par le premier labour, celui d’été, une plus grande superficie de terre est exposée à la chaleur, à la lumière du soleil, & à l’action des météores. Pour peu que la terre soit humide, la fermentation s’établit dans toutes le substances végétales & animales qui ont été enterrées ; de cette fermentation résulte nécessairement leur décomposition, corruption & putréfaction & dès-lors le mélange intime de leurs principes avec ceux de la terre végétale ou humus qui reste, & avec la terre matrice du champ.

Par le second labour ou hivernage, la terre du champ est préparée mécaniquement, mais d’une manière différente ; 1°. les graines enterrées & dont les plantes ne craignent pas le froid, germent, poussent & végètent dès que la chaleur ambiante de l’atmosphère est au degré qui leur convient. (Voyez les belles expériences de M. Duhamel au mot Amendier). Voilà encore de nouvelles herbes pour l’hiver, & par conséquent de nouveaux engrais & de nouveaux matériaux de la sève, qui seront enterrés par le premier labour après l’hiver ; 2°. les frimats, la neige, la glace, &c. sont les meilleurs laboureurs que je connoisse. Jamais charrue la mieux montée ne divisera & ne séparera les molécules de la terre aussi-bien qu’eux. La terre gelée occupe beaucoup plus d’espace que lorsqu’elle ne l’est pas. La terre soulevée par la charrue, & déjà en partie divisée, sera donc plus susceptible de s’imprégner d’eau, que la terre qui n’a pas été labourée. Dès-lors ; à la première gelée, chaque gouttelette d’eau glacée & interposée entre chaque molécule, fera l’office de levier, & de proche en proche, soulèvera de plusieurs pouces la terre déjà remuée ; & lorsque le dégel viendra, elle restera dans cet état jusqu’à ce qu’une pluie, & à la longue son propre poids, la fassent affaisser. Si la neige a recouvert ces sillons pendant un temps assez considérable ou à plusieurs reprises, cette neige a retenu les principes qui s’évaporoient de la terre, & sur-tout l’air fixe (Voyez ce mot), qui s’en échappe, & qui est fourni par les corps, soit végétaux, soit animaux, qui se décomposent & se putréfient dans son sein. Lorsque la neige fond, elle rend à la terre les principes combinés avec son eau. Il résulte donc du labourage avant l’hiver, 1° la germination d’une certaine quantité de plantes ; 2°. une division considérable des molécules de la terre des sillons ; 3°. la conservation par la neige de l’air fixe qui se seroit évaporé. (Voyez ce mot). Voilà pourquoi on dit que la neige engraisse la terre. Ce n’est pas par elle même, puisqu’elle est un simple composé aqueux, une eau très-pure & infiniment moins chargée de sel que l’eau de pluie. Cette eau a été rendue neige ou cristallisée par l’air fixe de l’atmosphère ; elle a retenu celui qui s’échappoit de la terre, se l’est encore approprié ; enfin elle rend le tout à la terre soulevée lorsque le dégel survient. Cet agent actif & puissant, l’air fixe, n’a point été connu des cultivateurs : M Fabroni, dans ses Réflexions sur l’état actuel de l’Agriculture, est le seul qui ait