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les pays sujets aux longues ou fréquentes pluies d’orage. Sans leur secours, il n’y restera bientôt plus que le tuf, & ce sera un champ perdu pour toujours.

En suivant les bonnes règles de culture, un champ incliné, dont la pente s’écarte de l’angle de quarante-cinq degrés, ne demande pas à être cultivé en grain, puisque chaque année la couche de terre remuée par la charrue, est à peu de chose près entraînée par les pluies. Si l’on habite un climat tempéré, il vaut mieux le convertir en prairies, surtout si on peut lui donner de l’eau. Dans les provinces du midi, l’intérêt bien entendu sollicite le propriétaire à le couvrir de bois. Je n’insiste pas sur cette dernière assertion démontrée par l’expérience, & surtout par le besoin de bois de tous genres, dont on est à la veille de manquer dans tout le royaume, & qui est déjà si rare & si cher dans les provinces du midi.

Cependant si on a la manie de vouloir encore le mettre en culture réglée, ou de la continuer, voici les procédés dictés par le bon sens. Le premier travail consiste à ouvrir un fossé dans la partie supérieure du champ, s’il est dominé par des terreins plus élevés ; laisser d’espace en espace des séparations dans le fossé, d’une épaisseur de douze à dix-huit pouces, mais moins élevées de quelques pouces seulement que les bords du fossé général. Les creux se rempliront insensiblement de la terre entraînée par la partie supérieure au champ ; chaque année on les fouillera une ou deux fois, suivant le besoin, & leur terre sera jetée sur le champ, & étendue autant que faire se pourra. Avec cette précaution, on redonnera chaque fois autant de terre nouvelle qu’il en aura été entraînée par les pluies, & le champ se conservera à-peu-près de même valeur.

Le fossé de ceinture supérieure sera dirigé sur les deux côtés du champ, où l’on formera & multipliera autant que l’on pourra des creux semblables à ceux du fossé. Ils diminueront la rapidité de la chute, & deviendront également des réservoirs à terre, qui seront nettoyés au besoin ; enfin, au bas du champ, on ouvrira un vaste fossé qui achèvera de retenir les terres, & en fournira sans cesse de nouvelles au champ.

L’inclinaison du sol, plus ou moins grande, dicte quelle doit être la profondeur des labours, même abstraction faite de la qualité du sol & du climat : plus la couche supérieure de terre soulevée sera forte, & plus il y en aura d’entraînée par une pluie d’orage, & plus enfin la superficie sera successivement abaissée. Si on laboure sur un fort massif de terre végétale & tenace, le danger sera moins à craindre ; mais il le sera toujours. On doit d’ailleurs considérer que la couche inférieure a beau être de bonne qualité, elle ne le sera jamais autant que la supérieure, parce qu’elle n’aura pas été élaborée par les météores (Voyez le mot Amendement). Règle générale, plus la pente est rapide, & moins les labours doivent être profonds. Les fossés de ceinture serviront à recevoir les eaux des rigoles, qu’on ne sauroit trop multiplier sur de tels champs.

Si au contraire la pente est douce, le fossé supérieur produira toujours