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ront labourer plus profondément, & il y aura moins de grumeaux ; mais il y en aura toujours assez pour nécessiter l’opération du maillet.

Le champ bien labouré, avant de semer, il ne reste plus qu’à le diviser en planches d’une longueur indéterminée, sur une largeur de six à huit pieds, pour qu’on puisse les sarcler avec facilité, & ramer le lin au besoin, comme il sera dit ci-après.

Dès que les grandes chaleurs sont venues, le lin cesse de croître. Alors tous les sucs se portent à la formation & à la nourriture de la graine. Ce point de fait doit servir de règle dans chaque pays, & par conséquent fixer à-peu-près à quelle époque doivent être faites les semailles. C’est un grand avantage de semer de bonne heure, lorsque le climat & la saison le permettent.

Lorsque le grain est jeté en terre, on herse plusieurs fois de suite, les dents en bas, & on retourne la herse sur son plat, afin de mieux régaler & applanir la surface.

Plusieurs particuliers conservent une certaine quantité de paille hachée très-menu, & ils la répandent légèrement sur la terre nouvellement semée. Le but de cette opération est d’empêcher que la première pluie qui surviendra ne frappe trop la terre. Cette précaution, peu dispendieuse & peu gênante, est très-bonne, elle assure à la plante la facilité de plonger promptement le pivot de sa racine à une certaine profondeur ; ce qui la met dans le cas de moins craindre la sécheresse dans la suite, & ce qui prouve l’avantage d’avoir donné de profonds labours. En Suède on couvre la linière, nouvellement semée, avec de jeunes branches de sapin, afin de ménager la paille, & produire le même effet.

J’ai dit plus haut, qu’on pourroit semer le même champ pendant deux à trois années consécutives ; mais cela n’a lieu que pour les terreins nouvellement défrichés & dans les bons fonds de terre. Dans tout autre cas, il vaut beaucoup mieux ne semer en lin le même champ que dans un intervalle de cinq ou six ans. Une terre alternée, (Voyez ce mot) par des prairies naturelles ou artificielles, par des bleds, &c. gagne beaucoup, & devient par ce mélange de culture, très-propre à celle du lin.

VI. Des espèces jardinières du lin. On en compte trois : le lin chaud, nommé têtard dans plusieurs de nos provinces. Son caractère est de végéter rapidement, mais de s’arrêter bientôt après. Il est nommé têtard, à cause de la multitude de ses têtes. Il est plus branchu que les autres lins. Comme il graine beaucoup, on devroit le semer quand on se propose de récolter de la graine destinée à fournir de l’huile. Ce lin & les suivans sont des espèces (Voyez ce mot) jardinières du premier ordre, puisqu’elles se reproduisent les mêmes par les semis, & ne varient point ou du moins très-peu. Le lin têtard reste plus bas que les autres, il est bien difficile de le travailler sans casser ses rameaux ; alors il se rabougrit. Ce lin mûrit le premier.

Le lin froid, ou le grand lin, est, à ce que je crois, l’espèce naturelle, ou première, d’où dérive l’espèce jardinière du lin têtard & du suivant. Sa végétation est très-lente dans le commencement, mais elle est rapide dans les suites ; ses tiges sont hautes, peu chargées de semences. Ce lin mûrit plus tard que les autres lins.