Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/513

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que la graine du melon que l’on mange à son point, produit un fruit dont la chair n’a pas alors autant de finesse. Enfin, lorsque le fruit est pourri, il sépare la graine des parenchymes par des lavages réitérés : mais si la saison est assez chaude pour dessécher sur pied le melon, il laisse la graine se conserver dans la chair desséchée, & il ne l’en sépare par des lavages, ou autrement, qu’au moment de la mettre en terre. Pendant le cours de l’année, la graine est tenue dans un lieu sec & à l’abri de la voracité des rats, souris & mulots qui en sont très-friands.

Ce simple cultivateur ignore qu’il existe un art de pincer les tiges, lorsque le fruit est noué ; & lorsqu’on lui en parle, il répond : Mes courges, mes concombres viennent à bien sans tant de précautions, & la nature n’a pas donné aux melons de longues tiges pour les détruire, ni pour déranger leur végétation. Avez-vous peur, ajoute-t-il, que cette végétation soit foible & languissante ? Voyez mes courges, dont les tiges s’étendent à plus de trente pieds ; celles des melons, au moins à dix & à quinze. Pourquoi donc voulez-vous que chaque plant ne s’étende pas à plus de deux pieds, & qu’il ne porte qu’un seul ou deux melons ? Gardez votre science & ses raffinemens : je me trouve fort bien de ma méthode ; j’ai un plus grand nombre de melons que vous ; ils sont aussi bons que les vôtres lorsque la saison les favorise, & leur culture exige peu de soins & peu de peines. Le raisonnement de ce simple laboureur ou cultivateur en vaut bien un autre.

Lorsque les bras de la plante ont à-peu-près deux à trois pieds de longueur, & lorsqu’il y a des fruits noués, il les dispose de manière que, lorsqu’ils s’étendront, ils ne se mêleront pas, & couvriront tout l’espace qu’on leur a laissé sur le champ. Après les avoir ainsi disposés, il ouvre, vers leur extrémité, une petite fosse de trois à quatre pouces de profondeur, il y range la partie du bras qui y correspond, & la charge d’environ trois à quatre pouces de terre sur l’espace de six à douze pouces, lorsque la longueur du bras & l’écartement des feuilles le permettent. La tige qui vient d’être enterrée, acquiert de nouvelles forces ; elle se hâte de prolonger son bras ; & lorsqu’elle est parvenue à peu-près à trois ou quatre pieds, le cultivateur recommence la même opération, & ainsi de suite. Voilà en quoi consiste toute sa méthode. Quelques-uns attendent que les bras aient six pieds de longueur, & plus, pour les enterrer.

Il faut avoir été témoin de cette culture, pour juger de la quantité de melons qui couvrent la terre. Il est bien clair que ceux dont la fleur noue, lorsque la saison est un peu avancée, n’auront aucune qualité, & même qu’un très-grand nombre ne mûrira pas. On demandera à quoi bon travailler à se procurer cette surabondance qui doit préjudicier aux premiers melons formés, puisque ces dernières tiges, ces derniers fruits appauvrissent les premiers d’une très-grande partie de la sève ? 1°. On ne doit pas perdre de vue que les plantes se nourrissent plus par leurs feuilles que par leurs racines : en effet, que l’on considère la racine d’un pied de courge, de citrouille, &c., & on verra qu’elle est peu étendue, & qu’il ne se trouve aucune proportion en-