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dire l’hiver. Cependant, si le sol est convenable, on doit leur préférer le maïs, (Voyez ce mot) bien plus utile pour la nourriture des hommes & celles des bestiaux.

§. II. De la culture du sorghum.

Lorsque la mode & l’enthousiasme de l’agriculture règnoit en France, il y a environ vingt-cinq ans, les écrivains parlèrent beaucoup de cette plante, & ils la vantèrent comme une trouvaille merveilleuse qui devoit enrichir nos campagnes ; d’après le résultat des expériences faites dans des jardins, on a calculé, sans réfléchir, le bénéfice de sa culture dans les champs. Qu’est-il résulté de tous les verbiages des prôneurs ? On a, pour ainsi dire, abandonné cette culture. Cette plante, étrangère à nos climats, & qui n’y est en aucune sorte naturalisée, craint singulièrement le froid, & elle exige une chaleur soutenue pour la maturité de sa semence. Elle réussit donc très-rarement dans nos provinces septentrionales ; & dans celles du midi, la culture du maïs lui est infiniment préférable. Que le sorghum réussisse à Malte, d’où nous l’avons tiré ; qu’il réussisse même en Espagne, ces faits, supposé qu’ils soient aussi vrais qu’on l’a avancé, ne prouvent rien en faveur de la France. Les expériences faites sur le sorghum, ont, en 1760 & 1761, eu du succès dans les environs de Berne. On doit en conclure seulement, que l’année lui a été favorable, Mais, comme je n’aime pas à juger d’après les autres, j’ai répété ces expériences, & dans un jardin & dans les champs. En voici le résultat.

Sur une table de quatre-vingt pieds de longueur, sur vingt pieds de largeur, je semai environ une livre de graine noire & blanche de sorghum confondues. Cette table fut arrosée au besoin, par irrigation ; (Voyez ce mot) son produit fut environ de cinquante cinq à soixante-dix livres de graines, & le quart d’une charretée en tiges & feuilles desséchées. On doit tenir compte de ce dernier produit, puisqu’il devient une excellente nourriture d’hiver pour le bétail. La tige est légèrement sucrée : aussi les animaux ne laissent-ils que la partie qui avoisine la racine, trop dure pour être broyée & mâchée.

Dans le champ, le sorghum livré à lui-même, souffrit beaucoup de la sécheresse, les tiges ne s’élevèrent pas plus de quatre pieds, les panicules de graines furent maigres, & leur produit, sur une même étendue, fut de vingt à vingt-cinq livres. Il ne m’est pas possible d’évaluer au juste le véritable produit. Cinquante-cinq livres du premier, & vingt livres du second, sont effectivement ce que j’ai récolté, & le surplus a été mangé par les moineaux & autres oiseaux à bec court & fort, qui en sont très-friands.

On a avancé que cette plante n’effritait pas la terre. La seule inspection de la multitude des chevelus des racines, suffisoit pour démentir cette assertion. Malgré cela, je puis répondre qu’un pied du tournesol, (Voyez ce mot) n’effrite pas plus la terre de son voisinage que celui du sorghum. Enfin, j’ai été obligé de fumer fortement la planche du jardin destinée à sa culture. Je félicite ceux qui ont eu plus de succès que moi ; mais je dis ce que j’ai vu & suivi de près pendant deux années