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c’est donc environ douze cent livres de farine, qui font au moins seize cent livres de pain par jour, dont le sieur Buquet a fait profiter l’Hôpital : c’est bien cinquante à soixante mille livres par an que ce meunier a fait gagner à cette maison ; ce qui a déjà été prouvé par M. l’abbé Baudeau, dans les éphémérides.

§. X. Manière de moudre par économie les seigles, méteils, &c.

Tout ce qu’on a dit jusqu’ici sur la manière de moudre par économie, ne concerne que les fromens. À l’égard des autres grains, les procédés, ainsi que les résultats, en sont un peu différens.

Comme il y a plus d’un cinquième du royaume qui ne vit que de seigle, on a cru devoir donner un article particulier à la mouture de cette espèce de blé qui, par sa forme mince & alongée, perd bien plus que le froment, par la mouture ordinaire. C’est néanmoins précisément sur les seigles qu’on devroit prévenir la perte énorme qui s’en fait par les mauvaises moutures, parce que le pauvre qui s’en nourrit n’est en état de supporter aucune perte.

La mouture rustique est celle qui occasionne le plus grand déchet dans l’emploi des seigles. On dira peut-être que l’on parvient à l’éviter, en mettant un gros bluteau qui tire toutes les farines, & même les sons. Mais alors la farine est composée, pour la majeure partie, de gruaux entiers & de recoupes qui ne prennent pas l’eau, qui ne lèvent point, qui empêchent le bouffement du pain & la bonne fabrication : indépendamment de ce qu’un pareil pain sera préjudiciable à la santé, c’est qu’en employant les gros & petits gruaux en nature, il y a un douzième ou un quinzième à perdre sur la quantité, dans la fabrication du pain.

Le dodinage dont on se sert pour la mouture économique, permet d’employer un bluteau d’un degré plus fin que le bluteau ordinaire parce que l’on peut remoudre les gruaux & les recoupes qui sont dilatés par l’effet de la meule : la farine plus alongée fait beaucoup plus blanc, prend plus d’eau, occasionne la bonne fabrication du pain, & le rend plus profitable au corps.

Il faut, pour la bonne mouture des seigles, tenir les rayons des meules plus près & plus petits que pour moudre les fromens, afin que le grain se hache davantage, parce qu’on en tirera plus de farine. On commence par moudre les seigles sans dodinage, puis l’on fait remoudre la totalité des sons & gruaux, & l’on ne fait aller le dodinage ou la bluterie que la seconde fois pour en tirer tous les gruaux & recoupes, afin de les remoudre séparément deux petites fois, & de les tirer à sec.

La vraie raison de la différence de ces procédés de la mouture économique des seigles à celles des blés, vient de ce que le son, ou la robe extérieure du froment, tient moins à la farine que celle du seigle ; un premier broiement suffit pour détacher l’enveloppe du froment ; au lieu que le son de seigle restant toujours chargé de farine, il est bon de le faire repasser sous la meule une seconde fois avec les recoupes ou gruaux. Cette observation est de la plus grande importance, en ce qu’elle opère un ménagement considérable sur la nourriture spéciale du pauvre.