Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/543

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mètre s’alongera, & plus il restera de vide dans le milieu. Il est encore bon d’observer que la pesanteur du fruit, & la serpette du jardinier forcent ces branches à s’étendre horizontalement, & que plus une branche s’éloigne de l’angle de 45 degrés & s’approche de l’horizontalité, & plus l’arbre approche de sa décrépitude. (Consultez ce mot) Il n’est donc pas étonnant que de tels arbres dépérissent avec promptitude, puisque pour les tenir en quenouille, on viole toutes les loix de la nature.

Je dis que pour prévenir ces inconvéniens, il me paroît qu’on devroit, tous les trois ou quatre ans, sacrifier en très-grande partie la récolte du fruit, & ravaler les branches à trois ou quatre pouces du tronc ; leur tronçon laissera sortir de son écorce plusieurs yeux à bois & à feuilles : à la taille de l’été on ne laissera qu’un ou deux bourgeons, suivant le besoin, sur la partie supérieure du tronçon. L’année d’après on les ravalera à un ou deux yeux, (toujours suivant le besoin) ou bien on supprimera les bourgeons inutiles. Quant aux boutons à fruits & aux bourses, il convient d’en supprimer une très-grande partie s’ils se multiplient trop ; alors le fruit en sera plus beau, & on est assuré que les fleurs aouteront beaucoup mieux que si elles étoient en plus grand nombre.

Une autre cause du dépérissement de ces arbres est la multiplicité de branches latérales qu’ils poussent avec vigueur pendant les premières années. Ces bourgeons font par leur étendue disparoître la forme de la quenouille ; ils s’allongent, gênent le passage dans les allées, ombragent le jardin ; enfin l’arbre rassemble ses forces pour reprendre ses droits ; mais le jardinier le guette & trouve très-mauvais qu’il alonge ses bras sans sa permission. Aussitôt la serpette travaille, un amas de bourgeons est abattu ; qu’arrive-t-il ? il en résulte un fagot pour chauffer le four, & l’épuisement de l’arbre.

J’aimerois bien mieux, afin de ne pas contrarier la nature, abandonner la forme, laisser ce malheureux ; arbre livré à-lui-même s & suivre les loix de la nature. On auroit un vrai buissonnier & qui produiroit tout autant, pour ne pas dire plus, que l’arbre en quenouille. Que deviendra donc cette jolie forme symétrique de ces arbres plantés à 4, 5, ou 6 pieds les uns des autres, parce qu’ils dépérissent promptement ? Le problème à résoudre, le voici : vaut-il mieux avoir des arbres en quenouille qu’en évental, les premiers donneront-ils plus de fruits que les seconds ? On ne peut disputer sur le goût des formes, mais il est très-sûr qu’un seul arbre sur franc, & dans un bon terrain, conduit en éventail, donnera plus de fruit & occupera plus d’espace que les six autres dont on parle. Cet arbre durera 60, 80 & même 100 ans, tandis qu’on sera forcé de replanter les autres tous les 10 ou 12 ans. Il y a donc beaucoup d’inconvéniens à disposer les arbres en quenouille, & s’ils ont quelque avantage, c’est de se mettre promptement à fruit.

Les arbres sur franc réussiront mal, & très-mal en quenouille ; parce que plus on leur coupera de bois chaque année & plus ils en repousseront sans se mettre à fruit. Consultez les mots Pommiers, Poiriers)