Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/101

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d’endroits on tend à l’économie, & on les abat quand les journées sont les moins chères, époque qui commence aussitôt que les champs sont ensemencés sur les montagnes ; c’est-à-dire, à la fin de septembre. On a le temps jusqu’à ce qu’il gèle, jusqu’à ce que la neige couvre la terre, d’achever l’exploitation.

Si on ne considère que l’économie & non la qualité du bois, cette pratique mérite la préférence ; mais la qualité du bois est un objet important ; & comme le sapin ne repousse jamais par le pied, il convient donc de l’abattre lorsqu’il est dans sa plus grande séve. Il n’en est pas de cet arbre comme du chêne, comme du châtaignier. Dans ceux-ci la séve est presque toute aqueuse, tandis que dans celui-là elle est presque toute résineuse. La séve dans le chêne se dissipe difficilement, à cause de la dureté du bois ; & si on emploie ce bois avant qu’il soit bien sec, il se fend & pourrit facilement, à cause de l’humidité qui y reste concentrée. La résine au contraire nourrit le bois, & empêche que l’humidité ne le pénètre. Il est donc à propos de couper l’arbre au moment qu’il en est le plus chargé : cette époque est dans les mois de juillet & d’août, lorsque l’arbre végète dans un terrain gras, & au printemps, si le sol est maigre. Les vessies ou loupes qui contiennent la térébenthine, indiquent le moment. C’est à ces diverses époques de la coupe des sapins, qu’on trouve une différence si marquée dans la pesanteur spécifique des troncs de la même forêt ; je conviens qu’il doit se trouver une variation de pesanteur spécifique, par exemple, entre les sapins des Alpes & ceux des Pyrénées ; entre les sapins qui ont végété à une exposition au nord ou au midi ; mais avant de se livrer à la comparaison de ces poids, il conviendroit de s’assurer de celle de l’époque de la coupe.

Voici encore une question pour le moins aussi intéressante que la précédente : doit-on couper à blanc les forêts de sapins, ou simplement jardiner, c’est-à-dire, couper çà & là les pieds d’arbres qui ont la grosseur requise ? La coutume la plus suivie est de jardiner ; elle entraîne après elle la difficulté de tirer de la forêt les grands arbres, qui souvent par leur chute, brisent & endommagent les arbres voisins ; son grand avantage est de ne choisir que les arbres dignes d’être coupés, de ménager les autres & de leur donner le temps d’acquérir la force convenable. Presque tous les auteurs s’accordent à conseiller ce genre d’exploitation : cependant en 1767, M. d’Etigny, intendant de Bayonne, fit exploiter à blanc la forêt d’Athos ; — il étoit bien persuadé, ainsi que les gens de la marine du Roi, que le sol produiroit de nouveaux sapins. Sont-ils revenus ? je l’ignore, je n’ai pas été sur les lieux ; une personne digne de confiance m’a assuré que cette partie commençoit à être couverte de sapins, & une autre a soutenu, qu’elle étoit au-dessous du médiocre. J’invite ceux qui sont sur les lieux à vérifier le fait & à le faire annoncer dans les papiers publics. La question étant encore indécise relativement à moi, il en reste une seconde à poser. Si cette forêt n’est pas aussi belle qu’on pourroit l’espérer, est-ce parce qu’elle a été coupée à blanc, ou bien parce que