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saison marche d’un pas égal ; lorsque la saison est naturellement retardée, il convient par art, c’est-à-dire par une chaleur artificielle plus soutenue d’accélérer les mues du ver, & par conséquent de diminuer sa vie comme ver. On en parlera dans la suite. Venons aux différens procédés mis en usage pour l’éclosion.

La quantité d’œufs que l’on doit mettre éclore, même en une seule fois, doit être proportionnée à l’espace que ces mêmes vers occuperont par la suite, même en supposant qu’ils soient très à l’aise. Si on se rappelle ce qui a été dit ci-dessus de la configuration & organisation extérieure du ver, on verra de quel nombre de stigmates ou ouvertures de la trachée artère le ver est pourvu ; d’où l’on conclura combien l’animal inspire & respire, & par conséquent quelle quantité considérable d’air pur il vicie. Ce fait est prouvé de nouveau par l’expérience de tous les jours. Qu’un particulier mette éclore une once de graine, & qu’il ait un vaste appartement destiné dans le temps à recevoir les vers, souvent il retirera de cette once un quintal de cocons, tandis que celui dont les appartemens seront petits, bas & resserrés, tirera à peine trente livres de cocons par once de graine, s’il en a mis éclore plusieurs onces, & s’il a nourri les vers.

Il y a deux manières de faire éclore la graine, ou par art, ou spontanément un peu aidé par l’art, & même sans art suivant les climats.

1°. Par art. Plus la graine a été tenue dans un lieu frais & humide, & plus elle est dure à éclore. La méthode la plus usitée dans nos campagnes, est de diviser la graine en paquets, chacun d’une, deux, trois & même de quatre onces ; de placer ces graines au milieu d’une toile fine, douce, un peu usée ; dont on réunit les quatre coins, & qu’on lie ensuite fortement avec un fil, en observant cependant de laisser plus de moitié de vide dans chaque sachet. Ces sachets sont tenus suspendus dans des poches de toile ou de coton, blanches de lessive, & n’étant imprégnées d’aucune mauvaise odeur. Des femmes, des jeunes filles placent pendant le jour ces poches, ou entre deux de leurs jupes, ou entre leur chemise & leurs jupes. Pendant la nuit ces poches sont placées dans leur lit, à côté d’elles, afin de maintenir à peu-près le même degré de chaleur à l’incubation des graines. Une fois ou deux, dans les 24 heures, on délie les sachets, on remue la graine afin que celle du milieu revienne sur les bords, & successivement celle des bords dans le milieu, pour égaliser autant qu’il est possible l’incubation : cette méthode réussit du plus au moins, & elle est sujette à des inconvéniens.

La chaleur est trop concentrée, trop étouffée ; l’air n’est pas assez renouvelé, ni l’évaporation de l’œuf assez dissipée. La preuve en est que si on ne remuoit pas la graine, on la trouveroit agglutinée l’une à l’autre par l’humidité de la transpiration. D’ailleurs est-on assuré que la transpiration insensible de la personne qui porte les sachets, est pure & saine, que sa sueur abondante ne nuira pas aux graines, & que l’une & l’autre ne vicieront pas l’air ambiant de ces graines ? Qui pourra répondre que pendant la nuit, la personne couchée ne se roulera pas sur les sachets & n’écrasera pas la graine ? La chaleur