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fournissent les moyens de nous susciter des guerres éternelles.

Tous les animaux domestiques asservis à l’homme, ont vécu primitivement dans une entière indépendance. L’Asie, qui paroit être la région d’où l’homme et les animaux ont tiré leur origine, conserve encore aujourd’hui les races primitives du cheval, de l’âne, de la chèvre, du mouton, du coq, etc. Le taureau sauvage étoit anciennement très-commun dans la Germanie, et se retrouve encore aujourd’hui dans les vastes forêts du nord de l’Europe. Lorsque l’homme dompta et apprivoisa ces animaux, ils n’étoient pas moins féroces ou moins sauvages que les individus qui vivent encore sous l’empire de la nature. La nécessité et l’industrie sont parvenues cependant à assouplir leur caractère, à les plier aux besoins de l’homme. Il a fallu, sans doute, un grand nombre de siècles, des hasards heureux, et sur-tout des besoins pressans pour faire ces importantes acquisitions ; mais on a cessé de pousser plus loin les recherches et les tentatives, depuis que l’homme s’est trouvé suffisamment secouru par tant d’animaux propres à le nourrir, à le vêtir et à le seconder dans ses travaux et dans ses entreprises. Telle est la cause qui nous prive depuis longtems de la jouissance de plusieurs animaux sauvages, qui ne sont ni plus féroces, ni moins utiles que les espèces réduites à l’état de domesticité.

Si quelques essais de ce genre n’ont pas réussi, ce n’est pas que le naturel de certains animaux soit intraitable. L’expérience des succès qu’on a eus eu domptant le taureau, le cheval, etc. nous prouvent la possibilité de faire encore des conquêtes en ce genre.

Pallas raconte, dans son voyage de Russie, qu’un cosaque ayant pris un poulain sauvage, voulut l’élever et qu’il le nourrit pendant plusieurs mois ; mais que le jeune animal resta toujours sauvage, et finit par se tuer. Si cet essai eût été fait dans un pays où les chevaux domestiques n’eussent pas été connus, on n’auroit pas hésité à conclure que le cheval étoit un animal indomptable.

Il y a peu d’animaux aussi féroces et aussi dangereux que le buffle sauvage ; cependant il a produit le buffle domestique, qui, chez plusieurs nations, partage les travaux des champs avec l’homme, et le nourrit de son lait.

Les canards musqués, qui paroissent n’être sortis de l’état de nature que vers le milieu du seizième siècle, sont une des espèces les plus difficiles à apprivoiser. « Ils sont farouches et défians, (dit Laborde dans son voyage à la Guyane), et ils ne se laissent guère approcher ».

Si l’on vouloit rapporter tous les faits de ce genre, il faudroit faire une énumération complette de nos animaux domestiques. Il suffit d’avoir prouvé qu’avec des recherches, de l’industrie et de la patience, il nous sera facile de doubler le nombre de ceux que nous possédons. Voyons par quels moyens nous pourrons y parvenir.