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en faisant entrer la pointe de l’hameçon du côté de la queue, et la faisant sortir près de la tête ; les petits poissons par la ouche jusqu’aux ouïes, ou par le dessous de l’ouïe jusqu’à la bouche, ou par la bouche jusqu’au bas du ventre, et alors on est dispensé de les lier à la ligne ; les grenouilles par le cou, en conduisant la tige de l’hameçon entre la peau et la chair, le long de l’épine du dos. Cette dernière amorce ne convient que pour les poissons très-voraces.

Quand on se sert de petits poissons pour appât, il est important de les conserver en vie aussi long-temps qu’il est possible. C’est en effet par leurs mouvemens qu’ils trompent et attirent leurs semblables ; aussi les pêcheurs industrieux ont-ils imaginé divers moyens plus ou moins compliquée, mais également barbares, de prolonger les souffrances des petits poissons fixés sur l’instrument de leur supplice, et de retarder le moment de leur mort. Les uns passent un fil de métal, qui doit servir d’aiguille, pour conduire l’hameçon par une petite incision qu’ils font entre la tête et la nageoire dorsale du poisson ; ils le conduisent entre la peau et les vertèbres, et le font sortir un peu au dessus de la queue ; puis ils retirent ce fil, de sorte que la tige de l’hameçon se trouve sous la peau, ou ils l’assujettissent par une ligature de fil ou de soie. Les autres conseillent de mettre, entre les deux crochets d’un hameçon double, un fil de laiton qui porte un petit morceau de plomb ovale, que l’on introduit dans la bouche du poisson destiné à servir d’appât ; on coud ensuite la bouche afin que le plomb n’en sorte pas ; et la malheureuse victime qui n’a pas reçu de blessures graves, peut s’agiter long-temps avant de succomber à la douleur et à l’impossibilité de prendre de la nourriture. Quelques uns, enfin, se contentent de lui couper une des nageoires des ouïes ; alors ne pouvant nager que d’un seul côté, il ne fait que pirouetter, et ce frétillement engage les poissons voraces à approcher et à se jeter sur une proie qui leur devient funeste.

Si l’on peut s’en rapporter aux assertions de quelques pêcheurs, recueillies par quelques écrivains, il existe des moyens d’engager les poissons à mordre plus tôt aux appâts dont les lignes sont amorcées. Je vais livrer les plus vantés de ces procédés à l’expérience des amateurs de la pêche :

1°. Un très-petit morceau d’écarlate trempé dans l’huile de pétrole et placé près de l’appât.

2°. Les achées ou toute autre amorce conservées dans une boîte frottée de miel.

3°. L’huile de héron, que l’on compose comme il suit : hachez et pilez menu de la chair de héron, mettez-la dans une bouteille que vous enterrez dans du fumier chaud ; il faut que cette bouteille soit à large col et bouchée exactement. Au bout de quinze ou vingt jours, la chair se décompose en se putréfiant, et forme une espèce d’huile que vous conservez dans une bouteille bien fermée. Quand vous voulez vous servir de cette huile, mêlez-en une petite quantité avec de la mie du plus beau pain, de la graine ou du tourteau de chènevis écrasés, du miel et un peu de musc ; formez du tout des boulettes grosses comme des fèves. On prétend que tous les poissons, particulièrement les carpes, sont très friands de cette composition.

4°. La moelle tirée des os du héron.

5°. Une pâte formée avec une livre de pain ou tourteau de chènevis, deux onces de momie, autant de saindoux, d’huile de héron et de miel, une livre de mie de pain blanc rassis, et quatre grains de musc. Si, lorsque tous ces ingrédient seront mêlés, et pétris ensemble, vous trouvez que la masse qui en résulte n’a