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Page:Rugendas - Voyage pittoresque dans le Brésil, fascicule 11, trad Golbéry, 1827.djvu/10

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Ils ne dédaignent la chair d’aucun animal de leurs forêts primitives ; cependant ils préfèrent celle des singes. Les Indiens accablent de traits le tigre, le tapir, le sanglier et les grands animaux, afin de leur faire perdre tout leur sang. Comme ils flairent le gibier à une grande distance, et qu’ils sont très-habiles à le surprendre, il arrive souvent qu’ils entourent, à plusieurs ensemble, une troupe de pacas ou de sangliers. La nature de leurs armes leur permet d’abattre plusieurs pièces de gibier avant que les autres s’enfuient : ils emploient à ce genre de chasse des chiens que leur donnent les colons, ou qu’ils volent. Les Indiens sont très-habiles à attirer les oiseaux, en imitant leur voix, de sorte qu’ils les prennent souvent avec des lacets : ils mangent aussi des insectes, par exemple les grandes larves du scarabée nommé l’hercule ; enfin, ils vont à la recherche des abeilles pour s’emparer de la cire et du miel. Il y a dans ces forêts vierges une telle quantité de fruits et de racines bonnes à manger, qu’il est impossible que la nourriture végétale manque jamais à ces sauvages ; et s’ils souffrent de la faim, ce ne peut être que par paresse. Les palmitos, composés de la moelle et des tendres bourgeons des feuilles, et que l’on trouve sous la couronne du palmier, fournissent un aliment délicieux. Les Indiens sont très-adroits pour prendre ces palmitos : ils montent au haut de la tige grêle du palmier, non pas en se cramponnant des bras et des jambes, mais en saisissant le tronc à deux mains et en y appuyant leurs pieds. Arrivés au sommet, ils commencent par le dégager de ses feuilles extérieures, et l’affaiblissent jusqu’à ce qu’ils puissent en casser la couronne : après cela ils agitent l’arbre et le balancent du poids de leur corps jusqu’à ce qu’ils parviennent à s’approcher d’un palmier voisin, vers lequel ils s’élancent, pour le dépouiller aussi de sa couronne. Il serait superflu de nommer ici toutes les plantes dont la tige ou la racine leur servent de nourriture. Ils n’épargnent pas non plus les habitations des blancs, et souvent ils font grand tort aux plantations de sucre et de racine de manioc. Il est remarquable que les Indiens mangent sans aucune conséquence fâcheuse la racine du manioc sauvage, qui cause de violens vomissemens aux Européens.

Les femmes sont chargées d’apprêter les mets et de vaquer aux soins du ménage : elles bâtissent les huttes, portent le gibier tué à la chasse ; elles allument le feu, ce qui, comme chez la plupart des sauvages, se fait en frottant ensemble deux espèces de bois. On rôtit les viandes au bout d’une broche de bois. Le sel n’est pas connu des Indiens : il est faux qu’ils le remplacent par une espèce d’argile (barra) ; cette argile, qu’ils avalent quelquefois, comme le font d’autres peuples américains, n’a rien de salé. Les femmes sont traitées en esclaves, et les seules preuves d’attachement qu’elles reçoivent de leurs maris, sont de féroces accès de jalousie, pendant lesquels elles sont