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À ne considérer la baie de Rio-Janeiro que sur la carte, on concevra difficilement que les premiers conquérans du pays n’aient pas, de préférence, choisi ce point pour leur établissement ; et cependant ce ne fut que par un peuple étranger que les Portugais furent avertis de l’importance de cette position. Martin Affouad de Souza, qui, en 1531, découvrit le premier la baie voisine de Rio et qui la nomma, l’avait quittée pour aller au sud fonder un établissement sur la côte de Saint-Vincent, et les premiers Européens qui s’établirent dans la baie de Rio furent des protestans français : sous la conduite de Villegagnon, ils vinrent, en 1555, y chercher un asile contre les persécutions et les troubles auxquels leur religion était en proie dans leur patrie. Les chefs les plus puissans des huguenots français, et notamment l’amiral Coligny, étaient ; ceux qui favorisaient l’entreprise néanmoins, dans le principe, la réussite paraissait fort douteuse. Il s’éleva des discordes entre les colons eux-mêmes, et Villegagnon, leur chef, retourna en France ; il alla cacher sa douleur et sa honte dans le château de ses ancêtres, au lieu d’amener, ainsi qu’il l’avait promis, de nouveau secours à ses compagnons. Ceux-ci le flétrirent du sobriquet de Caïn américain. Le nom de la petite île où il fonda son établissement est le seul monument qui conserve le souvenir de ce premier fondateur de Rio-Janeiro. Après le départ de Villegagnon, la colonie française commença à prospérer : ce qui y contribua beaucoup, ce fut surtout la conduite amicale que les Français surent tenir à l’égard des habitans primitifs de cette portion de la côte, les Tupinaes. L’état florissant de cet établissement ne pouvait manquer d’exciter bientôt l’attention des Portugais, et en 1560, principalement sur le rapport des jésuites, qui mirent l’importance de cette affaire dans tout son jour, il fut décidé que l’on expulserait les Français. Toutefois cela ne réussît qu’en partie : l’île de Villegagnon fut prise, à la vérité ; mais la plupart des colons trouvèrent sur la côte un refuge assuré chez leurs amis, les Tupinaes. Ce ne fut qu’en 1564 qu’Eustacio de Sá et Salvador Coma de Sá parvinrent à expulser entièrement les Français, et ce dernier fonda la capitale du Brésil à l’endroit où elle est maintenant, et la nomma San-Sebastiao de Rio de Janeiro.

Si l’on réfléchit aux conséquences qu’aurait pu avoir pour deux parties du monde la formation dans ces contrées du Brésil d’une colonie française protestante, l’on s’étonnera de l’indifférence avec laquelle les chefs du protestantisme en France ont abandonné cette entreprise à sa destinée : cependant ils avaient parmi eux des hommes tels que Sully et Coligny. C’est une preuve de plus pour établir combien il est rare que les semences des événemens futurs soient répandues avec connaissance de cause et réflexion.