Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/137

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ce principe, tout différent de celui des constructeurs du Nord.

J'ai noté, dans la première édition de cet ouvrage, que le parvis de la cathédrale, à Bourges, fut orné d'une superbe branche d'aubépine par son architecte qui avait une préférence pour cet arbuste. Mais on a oublié de nous dire que, n'aimant pas l'aubépine grise, il l'avait fait peindre d'un vert brillant : il en reste encore des traces dans les interstices du feuillage. Il ne pouvait choisir une autre couleur; il eût pu dorer les épines, par allégocie à la vie humaine, mais du moment où il les peignait, elles ne pouvaient être que vertes.

Quand le sujet de la sculpture était défini, sa couleur l'était forcément aussi. Dans le Nord, la couleur servit fréquemment à animer les récits de la pierre : les fleurs furent peintes en rouge ; les arbres en vert ; et les créa tures humaines en couleur de chair. L'effet de l'ensemble était plus souvent amusant que beau. Bien que pour les moulures, pour la décoration des colonnes et des voûtes, on adoptât une couleur de décoration plus riche et plus précise (sous l'influence des excellents principes et des rapides progrès de la peinture sur verre), la profondeur vigoureuse des ombres dans la sculpture du Nord troublait l'œil de Tarchitecte, l'entraînait à forcer la violence de la couleur et lui faisait perdre le sentiment délicat de l'harmonie dans les tons. Aussi peut-on se demander si, dans le Nord, les monuments du meilleur temps gagnaient ou perdaient à être colorés. Mais, dans le Sud, la sculpture légère et vague semblait appeler la couleur qui rehaussait son intérêt, tout en profitant pour elle-même des conditions les plus propres à se faire valoir : l'étendue des surfaces déployait dans les lumières les teintes les plus délicates, et les légères ombres se fondaient dans une