Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/163

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blanches coupoles s’élevaient dans le Ciel comme des gerbes d’écume de la mer, pendant que le sombre Campanile et le menaçant palais Ducal étaient encore plongés dans l’obscurité de la nuit, elles faisaient entendre, avec la voix triomphale du jour de Pâques, la sentence de la Résurrection et elles lançaient sur la foule tumultueuse qui se pressait au-dessous d’elles, dans le carré qui va de l’église à la mer. la sentence d’avertissement : « Christ reviendra. »

Le lecteur doit certainement avoir modifié sa manière de juger la splendide construction et les ornements étranges du reliquaire qu’est l’église Saint-Marc. Il a compris qu’elle était pour les Vénitiens plus qu’un lieu de prière : elle était à la fois le symbole du rachat de l’Église divine, l'épouse dans ses riches atours dorés, le parchemin où étaient écrites les paroles de Dieu. Et puisque les Vénitiens l’honoraient comme Église et comme Bible, n’était-il pas naturel que l'or et le cristal ne fussent pas épargnés dans sa parure, que ses murs fussent de jaspe et ses fondations enrichies de pierreries ? Et sachant dans quel but solennel furent élevées ses colonnes au-dessus du carré populeux, ne les considérons-nous pas d'un autre œil ainsi que ses dômes et ses cinq grands portails ?

Là se rencontrèrent des hommes venus de tous les points du monde, dans un but de trafic ou de divertissement; mais, au-dessus de cette foule animée des désirs du lucre ou de la soif des plaisirs, brillait le Temple glorieux, leur enseignant — qu’ils l’écoutassent ou non — qu’il existe un trésor que le marchand ne peut acheter à aucun prix et une jouissance plus précieuse que toutes les autres. Ce n'est pas pour satisfaire une voluptueuse exhibition de richesse, ni pour un vain plaisir des yeux ou pour une jouissance orgueilleuse que ses marbres