Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE V

LE PALAIS DUCAL


Au commencement du chapitre précédent, il a été dit que l’art gothique, à Venise, fut séparé en deux périodes distinctes par la construction du Palais Ducal, et que, dans leurs plus imposantes parties, tous les édifices particuliers qui furent construits pendant un demi-siècle s’en inspirèrent plus ou moins.

Le Palais Ducal fut, en effet, la grande œuvre de Venise, le principal effort de son imagination. Pendant une longue série d’années, les meilleurs architectes dirigèrent sa maçonnerie, les meilleurs peintres sa décoration ; et nous pouvons noter, en témoignage de l’influence qu’il exerça sur ceux qui le virent s’élever, que, tandis que dans toutes les villes d’Italie, on construisait les palais et les églises dans une variété de formes de plus en plus originales et hardies, la majesté de cet unique monument eut le pouvoir d’arrêter en plein épanouissement, l’imagination gothique ; de calmer, d’un seul coup, son ardeur d’innovation; de lui interdire la recherche de nouveaux types, la création d’une œuvre encore plus séduisante.

Le lecteur admettra difficilement que, tandis que l’invention architecturale s’anéantissait ainsi — semblable à Narcisse — dans sa propre contemplation, les comptes rendus de cette construction si admirée, si chérie, soient