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ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

les canons du concile de Chalcédoine définissent le mot œconomus : « Quia in quibusdam ecclesiis episcopi sine œconomo res ecclesiasticas tractant, placuit omnes ecclesias habentes episcopos etiam œconomum habere de proprio clero, qui gubernet ecclesiæ res cum arbitrio sui episcopi. »

Théophile acquit une telle considération dans sa charge qu’après la mort de son évêque on voulut l’élire à sa place ; mais, soit humilité, soit défiance de lui-même, il refusa, et un autre fut nommé. À peine ce nouveau supérieur fut-il promu à l’épiscopat que Théophile tomba en disgrâce auprès de lui et se vit retirer ses fonctions. Réduit par ce fait à la misère, irrité d’ailleurs de l’injustice qu’il éprouvait, l’ex-vidame se laissa aller à de mauvaises pensées. Par l’entremise d’un Juif qui avait des relations avec Satan il renia Jésus-Christ, et fit un pacte avec le mauvais esprit à condition que celui-ci l’enrichirait et lui ferait rendre ses honneurs ; mais, à peine eut-il signé cette convention qu’il eut horreur de son crime. Il se mit alors à implorer la sainte Vierge, pour qui il avait toujours eu une grande dévotion, et la pria de lui faire rendre le contrat. Marie, la douce mère Dieu, comme disent nos anciens poètes, se souvint de son serviteur ; elle consentit à ce qu’il lui demandait si humblement avec tant de repentir, et força le démon à rendre à Théophile le pacte qu’ils avaient conclu ensemble.

Telle est la légende que Rutebeuf a rimée et dramatisée, en ajoutant toutefois des circonstances plaisantes ainsi que quelques développements propres à une œuvre scénique. À dater de son origine jusqu’à la fin du 15e siècle, l’histoire de Théophile a joui d’une grande célébrité. Écrite d’abord en grec par Eutychien (Eutychianus, qu’il ne faut pas confondre avec son disciple Eutychius), puis d’après lui, à ce qu’il paraît, par Siméon le Métaphraste, elle fut traduite en latin par Paul diacre, de Naples, mise en vers au 10e siècle par la fameuse abbesse de Gandersheim, Rhossvittha, et sur la fin du 11e par Marbode, évêque de Rennes.

Saint Damien, dans un sermon sur la Vierge, saint Bernard, dans un autre sur les paroles de l’Apocalypse, saint