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ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

Comme ce ne sont ni les vers de Rhossvitha ni ceux de Marbode, il pourrait être curieux d’examiner cette production de plus près que je ne l’ai fait. Toutefois je ne devais point agir autrement, car mon intention était de donner ici seulement une notion générale sur la légende dont nous parlons, mais sans épuiser ce sujet : peut-être y reviendrai-je plus tard.

Nos trouvères ne restèrent point en arrière des poëtes latins, et ils célébrèrent en langue d’oïl l’histoire de Théophile.

On lit dans le Miserere du Reclus de Moliens (Ms. du fonds N.-D., no 2, fol 129, vo) :

Cil qui parmi sa bouche dist
Ke il renoioist Jhésu-Crist
Et sa mère, Théophilus,
Et au diable hommaige en féist,
Et cyrographe l’en escrit,
Refu puis si bien esmolus
En repentir ke retolus
Fu au déiable et absolus ;
Car la Dame en sa main le prist
Ki de tout le monde est salus,
Qui relie les dissolus
Et les cuers amers radoucit.

Qui cuidast de ce renoié
Ke déiable avoient loié
En despoir d’orrible menière
Et de la loy Dieu desloié
Ke Dieu li éust otroié
Jamais ne pardon ne lumière.
N’estoit pas sa courpe legière,
Mais il ot bonne messagière,
Car puis k’ele a son Fil proié
Tantost est faite sa proière.
Doucement sont d’amor entière
Li filz et la mère aloié.

Gauthier de Coinsy fit du Miracle de Théophile un