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NOTES

De tot son cuer, de toute s’âme
La mère Dieu merci cria,
Et ele pas ne l’oblia.

La tierce nuit revint à li
La douce Dame qui nului
Ne desdeingne ne ne despit
Puis que de cuer l’apiaut et prit.
La douce Dame débonère
La tierce nuit à lui repère.
Chière li fet si délitable,
Si piteuse, si amiable
Que tout le saoule et refet
Du douz samblant qu’ele li fet.
La seinte Virge glorieuse
Li dit à douce voiz piteuse :
« Par mes prières, biaus[1] amis,
Cil qui en crois à tort[2] fu mis
Tes chaudes lermes a véues
Et tes prières recéues :
Bien li soufit ta pénitance,
Se sache-tu bien sanz doutance.
Or gardes bien jusqu’à ta fin
Que tu le serves de cuer fin,
Si que t’âme soit afinée,
Ainz que ta vie soit finée,
Ausin comme en fornesce or fin[3],
Prochiennement venra ta fin :
Or garde qu’ele soit si fine
Que la joie aies qui ne fine. »

Théophillus, qui a grant joie,
As piez la mère Dieu se ploie ;
Asés plore de chaudes goutes.
« Dame, fet-il, en toi sont toutes
Les granz pitiez et les douçors.
Douce Dame, à tous[4] péchéors
Ies-tu confors et soutenance ;
Dame, tu ies lor espérance

  1. Ms. 2710. Var. Biaus dous.
  2. Ms. 2710. Var. Por toi.
  3. Ms. 6987. Var. Si com est afinés or fin.
  4. Ms. 2710. Var. As grans.