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CHAPITRE PREMIER



rire ou boire ?


« Rire est le propre de l’homme ». Ces mots inscrits au seuil du Gargantua sont célèbres. En revanche, on ignore cette formule de Pantagruel[1] : « Icy maintenons que non rire, ains boire est le propre de l’homme ». Sur le plus grave des problèmes, la pensée de Rabelais aurait-elle progressé régulièrement de l’un à l’autre contraire ? Elle semble plutôt avoir flotté : sans loi saisissable, alternent les pages où Pantagruel, héros du rire, est l’idéal de l’auteur, les pages où celui-ci préfère Panurge, héros du boire.

Mais, dans la symbolique rabelaisienne, qu’est-ce que rire et qu’est-ce que boire ?

Rire ! Pantagruel « jamais ne se tourmentoit… Tous les biens que le ciel couvre et que la terre contient en toutes ses dimensions, hauteur, profondité, longitude et latitude, ne sont dignes d’émouvoir nos affections et troubler nos sens et esprits[2] ». Le rire, le pantagruélisme, c’est « certaine gayeté d’esprit confite en mépris des choses fortuites[3] ». Le rire, c’est la sagesse.

Le boire, c’est la science. « Je ne dy boire simplement et

  1. V, 46. Pour des raisons trop longues à exposer ici, je crois le livre authentique.
  2. III, 2.
  3. IV, Prologue.