Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/120

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théophile

Tu dois te reconnaître coupable envers moi. Tu as expliqué une doctrine que tu ignorais et que tu ne parviens pas encore à comprendre.


épictète

J’ai donné un sens à des mots qui n’ont pas de sens. Je t’ai attribué une doctrine, à toi qui n’es qu’une verbosité en démence. Par ce moyen, j’ai retenu des enfants qui, dans une heure de folie, allaient tuer un fou incurable. Si la chose était à recommencer, mes paroles, dites moins naïvement, resteraient pourtant les mêmes. Car il est permis de tirer de la beauté et de la vérité même des bavardages incohérents d’un fou. Car, après tout, tu affirmes Dieu et tu affirmes les dieux. Car les fables diverses ne m’intéressent pas par elles-mêmes, mais seulement par les vérités universelles qu’elles recouvrent. Toi, je le vois maintenant, tu agites des vêtements vides. Mais ils ont encore la forme des nobles corps qu’ils revêtirent. Et, comme on sourit à un souvenir, je salue tes paroles pour leur contenu ancien que ta folie laisse perdre.


théophile

Mais…


épictète

Ta religion est une canéphore tardive. La corbeille qu’elle porte glorieusement ne contient plus de fleurs ; mais un parfum obstiné en émane encore. L’odeur m’a fait affirmer les corolles. Suis-je bien coupable ?


historicus

Tu es innocent philosophiquement. Mais, historiquement, tu es coupable ?


épictète

Que dis-tu, Historicus ?