Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/126

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s’est pas ému. Il ne me poursuit pas avec acharnement comme Serena. Épictète, sans doute, m’a compris. Et il sait que j’ai raison, comme il a raison.


épictète

Je veux même essayer de te louer, ô Historicus. Car, à ta manière, tu rends aussi témoignage aux dieux. Tu es le héraut de leur richesse multiple. Et pourtant tu ne regardes que les gestes de l’homme. Ta proclamation deviendrait un chant large comme le mouvement des sphères, si tu connaissais aussi, dans leur variété merveilleuse, les mœurs des animaux, les formes et les habitudes des plantes, les beautés et les propriétés des pierres et des métaux, les prodiges journaliers de la terre, de la mer, des airs et des astres. Mais il faut, après avoir parcouru le détail infini, contempler l’ensemble et aimer Dieu autant que les dieux, l’harmonie profonde de l’univers autant que la diversité opulente de ses aspects. Il ne suffit pas de savoir les petites réalités, il faut adorer la grande vérité. L’histoire, crois-moi, Historicus, n’est pas formée de faits incohérents. Ses événements suivent une pente divine comme les gouttes d’eau qui composent le fleuve. Elle a un rythme comme l’océan. Et le chant d’une lyre, qui est Dieu lui-même, guide sa marche comme la marche du soleil et le cycle des saisons.


historicus

Peut-être.


épictète

Tu n’es pas, histoire, une suite de sons jetés au hasard. Tu es ordonnée comme une musique. Ah ! si nous pouvions connaître tous les changements de n’importe quelle chose dans le temps, nous entendrions une harmonie dont les sons s’appellent les uns les autres. Mais si nous savions complètement un instant de l’univers, nous écouterions une symphonie