Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/168

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historicus

Je crois que c’est l’âme du sage ou, comme il disait plus volontiers, du juste. Je crois que c’est ton âme, Épictète, ton âme plus riche, plus belle, plus royale et plus divine que tout un Olympe. Je crois… Mais les paroles de Socrate ou de Zénon sont des statues immobiles dans la lumière. Les paroles de Jésus sont, sous un vent qui m’inquiète, des herbes incertaines. Je crois souvent les comprendre ; je ne suis jamais tout à fait sûr de les comprendre. La seule chose évidente, c’est que les disciples n’ont pas compris.


théophile

Tu mens.


historicus

La précision anguleuse qui blesse comme un roc ou comme une affirmation sans sourire est un défaut romain. Une vertu grecque, c’est la précision souple et limpide, fleuve dont le lit ne se déplace point, mais où se reflètent, tremblants et exacts, le ciel et le paysage. Une noble parole d’Asie est un parfum qu’on aime quoique la main ne puisse le saisir ou l’œil l’apercevoir. Jésus fait appel au cœur, non à la raison ; il semble considérer le sentiment comme le grand docteur de vérité…


serena

C’est en quoi il se révèle barbare. Le flambeau de l’amour se couronne d’une flamme sans lumière.


historicus

Mais comme tous les sages, il fait appel à la vérité que chacun porte en soi. Il délivre des folies étrangères, des mensonges du dehors qu’affirmaient les serviles et les autoritaires. Comme tous les sages, il méprise les prêtres et il méprise César.


théophile

Tu mêles inextricablement vérités et mensonges.