Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/108

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vante s’en aperçut : au milieu de ces bibliothécaires qui bannissaient du vers souplesse et spontanéité, qui chassaient de la strophe tout ce qui est vie et poésie, qui s’imaginaient que l’expression nuit à la beauté et qui parlaient, sans même vouloir une alliance de mots hardie, de poésie savante ! — un enfant s’était égaré, doux, pas malin et harmonieux. Le quartier latin aima et salua le Poète.

Des mandarins de lettres le trouvèrent à la fois trop simple et trop compliqué. Les bourgeois comprirent peu ses écritures, mais ils causèrent de sa vie qui, paraît-il, n’était point régulière. Ils furent heureux, suivant leur tempérament, de s’indigner contre un poète ou de rire de lui : ça fait toujours plaisir de se sentir supérieur. Par l’infamie, Verlaine entra dans la renommée, puis dans la gloire.

Lui, continua, indifférent, à chanter son âme.

Car il avait le signe qui, chez le poète comme chez le savant ou le philosophe, est la première marque du génie : l’égale absence d’esprit d’imitation et d’esprit de contradiction, la non attention à la galerie, l’incurie du public, la superbe et souriante et presque inconsciente insouciance de plaire ou déplaire :