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prostitués

une bête, je dois fournir le labeur de bête de somme qui, seul, peut nourrir mon corps et permettre au dieu qui pleure en moi de vivre, de penser, d’aimer.

L’homme fait, depuis des siècles de siècles, des efforts de cauchemar pour secouer le servage naturel qui plie vers la terre la moitié de sa vie. Mais la loi est fatale. Celui qui voulut échapper au travail des mains, au seul travail, dut imposer sa part de peine à ses frères. Il fallut des esclaves pour qu’il y eût des « hommes libres », affranchis de toute œuvre servile.

Il paraît qu’on a aussi affranchi les esclaves. Le mot n’est plus qu’un terme historique dans les langages civilisés.

Hélas ! les langages seuls se civilisent. Il y a toujours des gens qui ne travaillent pas ; il faut bien que d’autres arrachent à la terre le pain de ces oisifs en même temps que leur propre pain. N’aurait-on pas changé le nom des esclaves ? N’y eut-il point des serfs ? N’y a-t-il point des salariés ?

Comment se sont créés les Maîtres ? Comment quelques hommes ont-ils pu devenir tout loisir en rendant les autres tout travail ? Ques-