Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/176

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gardent, dans le verre plein, le paysage d’hier et l’émotion qui s’y attache.

Ils aiment l’Océan « comme l’aiment les goélands et le grand cygne sauvage ». Souvent leur pensée se réfugie, douleur farouche et qui se cache, dans « le pan maternel de la robe glauque de la mer ». C’est à la mer aussi que sourient leurs joies et ils comparent l’étrangeté de ses trésors vivants aux richesses sauvages de leurs âmes. Si, au mystère de leur cœur grandit un amour secret, ils sentent sa force douce éclore en eux « comme un lis de mer s’épanouit au fond des eaux tièdes de l’Océan ».

Ils s’égaient un instant à regarder « les eaux dansantes » des petits ruisseaux s’échapper, enfants joueurs, de la fontaine maternelle. Mais ils s’émeuvent longuement devant telle rivière « immobile et pâle », et dont la tristesse miroitante leur semble « pareille à une femme morte couronnée, par la lune, d’un diadème de perles. » Ils frissonnent en songeant que sur ses bords leur pauvre âme déçue se sentit prise à « l’embûche formidable de la nuit » et de l’amour.

Ou bien leur souvenir traverse un jour torride : sous les lumières farouches du soleil et