Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/179

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parmi une campagne à chaque détour variée, la théorie attristée d’un pèlerinage, « de grandes figures noires barbouillées de larmes et de poussière, qui s’en allaient, dans l’éclat du jour, avec les yeux clignotants ». Ou bien c’est une noce. Les richesses barbares des costumes font les gestes éclatants de couleur. Et « le son grave des bombardes » s’harmonise avec « le perçant appel du biniou ».

Et voici, parmi les paysans et les marins, des êtres d’exception. Tout à l’heure « sur le tertre des chapelles vêtues de lierre », des bardes amis composaient ensemble des chants naïfs et surchargés d’images inattendues, « toiles de ciel et de verdure où chacun tissait sa fleur. » Maintenant, dans la maison, au fond de la cheminée, assis parmi le caprice des lueurs, un mendiant, un peu sorcier, un peu poète, un peu philosophe, « trace des cercles dans les cendres du bout de son bâton » . Et « ses paroles saccadées volent sur ses lèvres flétries : il dit que la terre use le fer ; que l’anneau diminue au doigt qui le porte ; que le sel, la pluie et les pas usent le rocher… Il proclame la dispersion des atomes » et, sous les apparences de la mort, devine la vie souterraine qui se redressera plus tard au