Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/202

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Nous n’aurons pas de nom et nous n’aurons pas d’âge,
Car tu seras la Vie impersonnelle et sage
Qui berce la Douleur entre ses deux bras nus.
Je t’apprendrai le sens secret de mes paroles
Et quand, dans le sommeil, nos lèvres s’uniront,
Le songe effeuillera la pudeur des corolles
Sur la limpidité mystique de ton front.

Presque tous les hexamètres des deux Chemins sont d’une telle beauté musicale.

Et cependant les vers libres me charment davantage, plus délicieux encore et plus souples. J’ouvre n’importe où le Chemin de l’Irréel et j’y cueille les premiers vers libres rencontrés :

Et les Adolescents passèrent sous les branches
       Enguirlandés de roses blanches
Et couronnés du pampre et du laurier natal.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ils étaient ignorants de la Vie et des livres,
Ceux-là qui cheminaient, solitaires et doux,
Avec, dans leur main pâle, un fier rameau de houx.
           On disait : « Ils sont fous ! « 
     Mais Eux — comme des anges ivres —
   Méprisaient le venin du sarcasme jaloux.
Car, leurs lèvres buvant aux limpides fontaines
            Où se miraient le soir,
       — Présagé par des flûtes lointaines,
               Ils avaient vu l’Espoir
Leur sourire au delà des vallons et des plaines.