Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/317

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classique ordonne en harmonie la richesse laborieuse et composite du vocabulaire. Les mots sont extraits de partout, du vieux français, des dialectes occitans, du latin surtout. Quelquefois, Tailhade pille trop à la fois, se pare de trop de strass différents, s’applique trop à nous paraître « quelque chose d’estomirande qui, tout d’abord, fait issir dans les entrailles une copieuse vérécundie. » Le plus souvent, son opulence artificielle, et prétentieuse un peu, ne nous choque pas, nous amuse plutôt par l’habileté précieuse avec laquelle les cailloux jolis sont taillés, tels des diamants. Comme Banville, Tailhade est un parnassien fantaisiste parce qu’il est un romantique impuissant : il remplace par de l’étrangeté qui s’amuse et qui veut étonner, la couleur et l’abondance spontanée qui lui manquent. Cet occitan agressif est un romantique par l’élan intérieur ; la mode du jour et la pauvreté de sa nature le retiennent parnassien. Chez lui, morale et esthétique sont d’accord avec la faiblesse roidie du tempérament, en lutte avec le désir profond et inavoué. Une des rares phrases mal faites qu’on rencontre dans ses livres vante chez je ne sais plus quel écrivain « une verve amère dont le