Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/326

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prisable. Ses dédains les plus justifiés portent toujours avec eux un relent de bourgeoisie vaniteuse et c’est souvent M. Jourdain qui parle par la bouche grandiloque du prétendu anarchiste. Il regarde de haut dans les juges qui le condamnèrent des « bourreaux mal appointés. » Ces robins jaloux lui en veulent, M. de Tailhade l’affirme, pour la noblesse de sa naissance et de ses manières. Ils « ne peuvent endurer un citoyen né, comme eux et plus qu’eux, au sommet de l’échelle sociale… » De telles phrases font grand plaisir à qui les prononce et parfois elles appellent les applaudissements. De telles mœurs vaniteuses me paraissent de bonnes mœurs oratoires. Combien de bons yeux naïfs doivent s’écarquiller pour apercevoir là-haut, « au sommet de l’échelle sociale », le f∴ orateur.

Le f∴ orateur est d’ailleurs charmant. Il arrive toujours les mains chargées d’un bouquet d’espérances, fleurs de papier qu’il croit peut-être vivantes, que dans tous les cas il affirme vivantes. Il annonce, avec des accents de prophète idiot ou de charlatan roublard, que bientôt tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sa phrase puissante va jusqu’à rajeunir la terre, à condition que cette vieille