Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

samment, quelque toute petite inexactitude, qui est surtout un moyen de grossissement et d’accélération de la pensée. Là, et ailleurs aussi, — je crois que je n’adresse pas à M. Gide un mince éloge — il me fait songer à La Bruyère corrigeant Tartuffe en Onuphre. Mais La Bruyère, fin polisseur de statuettes, a tort de blâmer le moins fini et le moins élégant des statues, et il eût été bien incapable de dresser la cariatide, un peu lourde sans doute, qui supporte une action. Mirbeau, malgré quelque génie, n’est pas Molière ; mais, si Molière faisait des articles pour nos journaux, soyez certains qu’il les ferait mauvais. Le vrai crime de Mirbeau, c’est de consentir à la cage étroite et de se condamner, pour faire tomber les gros sous, à des tours de souplesse, lui qui est vigoureux et a besoin d’espace. Son infamie est d’autant plus grande qu’il n’a ni la pauvre excuse de la faim, ni même l’excuse ridicule de la gêne. Je le hais, ce Mirbeau, qui me force à admirer la puissance de son esprit et à mépriser l’ignominie de son âme.

Je reviens, pour un rapide salut, à M. André Gide, esprit fin, délicat et ingénieux, qui aime le talent comme un homme poli aime la