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contes de la haute-bretagne

— Non, je ne t’abandonnerai pas, répondit-il, et je te guérirai.

Il alla chercher de l’herbe pour sa jument, et, quand elle fut sur ses pieds, elle lui dit :

— Maintenant, va chez le roi te louer comme gardeur de vaches, et si tu veux rester un an et un jour sans parler, tu seras heureux ensuite toute ta vie ; mais tu pourras dire pendant ce temps deux mots « Corni-Cornon ». Quand tu auras besoin de quelque chose, tu n’auras qu’à m’appeler et je viendrai à ton secours.

Le jeune garçon se présenta chez le roi.

— Qui est là ? demanda-t-on.

— Corni-Cornon.

— Parlez : que voulez-vous ?

— Corni-Cornon.

Il fit signe qu’il voulait se louer pour garder les vaches.

— Il sera bon, dit le roi, pour arracher les herbes de mon jardin.

Un jour, il lui prit envie de se mettre à chanter, il appela sa jument blanche qui accourut aussitôt et lui dit :

— Que veux-tu ?

— La plus belle voix du monde, le plus beau cheval et la plus jolie épée avec des habits de seigneur.

Il se mit à se promener à cheval dans le jardin, en chantant d’une voix si douce que la fille du roi se mit à la fenêtre et l’aperçut.

— Ah ! papa, s’écria-t-elle, le beau prince !

Elle se hâta de descendre au jardin, et ne vit que Corni-Cornon qui arrachait des herbes dans une allée et s’amusait à tuer des loches (petites limaces). Elle rentra chez elle, croyant qu’elle avait rêvé.

Le second soir, il appela encore sa jument à son secours et lui demanda de beaux vêtements, un beau cheval et une belle voix, puis il vint encore se promener sous les fenêtres de la fille du roi ; elle qui le guettait descendit quatre à quatre dès qu’elle l’aperçut, mais, arrivée au jardin, elle ne voit que le jardinier muet qui tuait des loches.

— Où est le joli prince qui se promenait là tout à l’heure ? lui demanda-t-elle.

— Corni-Cornon.