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PAUL VERLAINE

christianisme qui verse au cœur de ses élus des trésors de paix ineffable. Mais peut-être n’eut-il pas trouvé en lui le courage pour s’avouer à lui-même et avouer aux autres sa conversion si un coup brutal, imprévu, n’était venu le frapper au cœur, le plonger encore dans une infinie tristesse.

Un matin, le directeur de la prison entra dans sa cellule.

« Mon pauvre ami, dit-il au détenu, je viens vous apporter une mauvaise nouvelle. »

Et il lui tendit la signification du jugement du tribunal civil de la Seine prononçant la séparation de corps d’entre le sieur Paul Verlaine et la dame Mathilde Mauté, son épouse.

« Je tombai en larmes, écrit Paul Verlaine, sur mon pauvre dos, sur mon pauvre lit. Une poignée de main et une tape sur l’épaule du directeur me rendirent un peu de courage, et, une heure ou deux après cette scène, ne voilà-t-il pas que je me pris à dire de prier M. l’aumônier de venir me parler. Celui-ci vint et je lui demandai un catéchisme. Il me donna aussitôt celui de persévérance de Mgr Gaume.

« Je suis littérateur, je goûte la correction, la subtilité, toute la cuisine du style, comme de droit et de devoir. Même, ces corrections, ces subtilités, je les prise, je les renifle, si vous voulez bien Et j’ai horreur de toutes platitudes écrites.

« Mais, en dépit d’un art déplorable en fait d’écriture et d’une syntaxe à peine en vie, Mgr Gaume fut pour moi, pourri d’orgueil, de syntaxe et de parisienne sottise, l’apôtre. »

Ainsi c’était cette fatale nouvelle de la séparation de corps prononcée entre sa femme et lui qui venait de jeter Verlaine entre les bras du Christ !

Si extraordinaire que semble l’aventure, elle est cependant logique si l’on songe que l’auteur de la Bonne Chanson n’avait jamais abandonné complètement l’espoir de retrouver un jour sa Mathilde chérie. Il s’en entrete-