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lecteur et de lui-même, et continue cet admirable jeu intellectuel pendant une moyenne de soixante pages à chaque fois. Lorsqu’on a fini on sait peu de choses nouvelles sur l’auteur étudié ; c’est possible. On connaît mieux l’écrivain brillant, curieux et profond qui a signé ces pages, voilà qui est certain. Et surtout l’on se sent mieux armé qu’en prenant le livre, plus ouvert et plus intelligent… N’est-ce pas la joie la plus émouvante que puisse nous causer un auteur, et pour nous l’avoir donnée ne pouvons-nous pas lui offrir envers ses défauts tous nos trésors d’indulgence ?

(Les Idées et les livres, décembre 1902). 

De M. Jules Lemaître :

C’est principalement dans ses études sur le XVIe siècle et sur le XVIIIe, et dans Politiques et moralistes du XIXe siècle, qu’il le faut considérer.

Sa marque, comme critique, c’est d’être, avant tout et presque uniquement, préoccupé et amoureux des idées ; d’être un pur « cérébral », un pur « intellectuel », dirais-je, si ces mots étaient mieux faits et si un mauvais usage n’en avait corrompu et obscurci le sens.

D’autres critiques racontent leur propre sensibilité l’occasion des œuvres qu’ils analysent. D’autres sont de bons biographes ou de bons peintres de caractères. Émile Faguet est, éminemment, un descripteur d’intelligences.

Tel autre, dessinant à grands traits impérieux l’histoire des idées ou l’histoire des formes littéraires, semble toujours écrire contre quelqu’un ou quelque chose et, même avant d’être moraliste, est invinciblement orateur et « dialecticien ». Faguet est un « logicien », et de quelle puissance !

Ses reconstructions de systèmes, religieux, philosophiques, politiques, sociologiques, sont merveilleux d’ampleur, d’harmonie, de précision, de juste emboî-