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LES MUSES FRANÇAISES


RETOUR



Le crépuscule est fin comme un rideau de soie
Qui tombe lentement sur le bleu de la mer ;
Tout mon être frémit de langueur et de joie ;
Le vent qui me caresse est tendrement amer…

Je devine une Fée invisible qui rôde,
Poudrant d’un goût de sel les œillets du jardin,
Et dont parfois la robe aux moires d’émeraude
Traîne sur les massifs et s’envole soudain…

Cette Fée invisible a poussé la fenêtre,
Et, preste, a secoué les glycines du mur ;
C’est une fraîche odeur de miel qui nous pénètre
Avec une saveur d’algue et de raisin mûr…

De mes doigts inquiets et frémissants je lisse
Le balcon qui s’argente à la pâleur du soir…
Le crépuscule est doux comme un baiser qui glisse,
Le crépuscule est chaud comme un cœur lourd d’espoir.
 
Je n’ai jamais été plus tendrement heureuse :
Les mots exquis et chers que tu penses tout bas,
Je les entends vibrer dans cette ombre amoureuse…
L’heure est couleur de songe. Oh ! viens ; ne parle pas !

Extase du retour, félicité profonde !
Laissons vers l’Infini monter nos rêves d’or…
Un souffle d’idéal frissonne sur le monde,
Et je ferme les yeux pour te mieux voir encor !
 

(L’Âme brûlante.)


LA DANSEUSE



Le vent pleure en glissant sur les fleurs vagabondes,
Le vent chante en glissant dans tes longs cheveux roux ;
Tu vas, sans relever ton front lourd de courroux…
Tes sandales de cuir font craquer les noix blondes.

L’automne a secoué ses feuilles sur les ondes ;
Tu vas, par le chemin mystérieux et doux