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HÉLÈNE VACARESCO 311

jusqu’à ce même flou des mots... C’est aussi le même panthéisme exaspéré qui permet à l’une et à l’autre de s’extérioriser, de se confondre avec la nature, d’animer les choses, de donner corps à leurs sentiments, à leurs émotions, à leurs désirs.

       Je sens flotter sur moi mes désirs haletants, 

dit Mme de Noailles, et Mlle Vacaresco .

       O ma douceur, deviens-tu donc une âme ! {1) 

Il n’est pas jusqu’à cette saveur musettiste qu’on a signalée chez l’auteur des Eblouissements, que je ne rencontre chez Mlle Hélène Vaca- resco. Il va de soi que Mlle Vacaresco, pas plus que Mme de Noailles n’imitent Alfred de Musset — pour cette raison d’ailleurs préremptoire qu’il est impossible de l’imiter ! Mais chez l’une comme chez l’autre — si on ne trouve ni l’esprit, ni le fond, ni même tout à fait le tour de Musset — on trouve du moins une facilité sentimentale, charmante et désinvolte, qui rappelle quelque peu la grâce légère et émue de Fortunio.

  Lisez plutôt : 

Il passa ! J’aurais dû sans doute Ne point paraître en son chemin ; Mais ma maison est sur sa route. Et j’avais des fleurs dans la main.

Il parla : j’aurais dû peut-être Ne point m’enivrer de sa voix. Mais l’aube emplissait ma fenêtre. Il faisait avril dans les bois.

Il m’aima : j’aurais dû sans doute N’avoir pas l’amour aussi prompt ; Mais, hélas ! quand le cœur écoute. C’est toujours le cœur qui répond.

Il partit : je devais peut-être Ne plus l’attendre et le vouloir ; Mais demain l’avril va paraître. Et, sans lui, le ciel sera noir.


Est-ce que cette jolie piécette de Mlle Vacaresco ne fait pas songer à la pièce cruelle de Musset Sur une morte ?

On pourrait encore relever chez Mlle Vacaresco ce même pen-

(1) Mais cette personnalisation des sentiments est poussée beaucoup plus loin par Mlle Vacaresco... Chez elle c’est un procédé constant: elle donne forme humaine à sa douleur, au soir, au vent, — l’amour, la haine, le courage, le coeur, l’épée... sont des êtres vivants. Et je me demande s’il ne faut pas voir là comme une survivance des croyances mythologiques, comme un besoin héréditaire de prêter aux passions et aux choses la forme et la conscience humaine!