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ment fade, à la longue. Il manque à tout cela un peu de piment, un peu de nerf, quelques cris échappés à un cœur profondément convulsé ; on voudrait une véritable pâmoison et non pas toujours ces amours languides et évanouies. Et puis, cette perpétuelle extase, cette prière d’amant-femelle agenouillée devant la beauté d’une femme qui « tient la pose » des lys dans les mains — toute cette atmosphère, tout ce décor facticement vrai, tout cela, en dépit du grand art du poète, fatigue et crispe.

On ne saurait néanmoins ne pas trouver très beaux des vers tels que ceux-ci :

Ton rire est clair, ta caresse est profonde.
Tes froids baisers aiment le mal qu’ils font ;
Tes yeux sont bleus comme un lotus sur l’onde,
Et les lys d’eau sont moins purs que ton front.

Ou ceux-ci qui sont célèbres :

Puisque telle est la loi lamentable et stupide,
Tu te flétriras un jour, ah ! mon lys !
Et le déshonneur hideux de la ride
Marquera ton front de ce mot : jadis !
Tes pas oublieront le rythme de l’onde,
Ta chair sans désir, tes membres perclus
Ne frémiront plus dans l’ardeur profonde.
L’amour désenchanté ne te connaîtra plus…..

Et ces autres encore tout à fait délicieux :

Ton âme, c’est la chose exquise et parfumée
Qui s’ouvre avec lenteur, en silence, en tremblant,
Et qui, pleine d’amour, s’étonne d’être aimée.
Ton âme, c’est le lys, le lys divin et blanc.

L’art de Mlle Renée Vivien a été influencé par deux poètes : le tendre Verlaine et le troublant Baudelaire, Comme l’écrit M. Charles Maurras : « Le vieux faune sentimental des Fêtes galantes et de Parallèlement reconnaîtrait chez Renée Vivien beaucoup plus qu’une élève, certainement une des sœurs, une de ces amies teribles qu’il a chantées. » « Quant à Baudelaire, il lui dirait : « Ma fille », aux premiers regards échangés. » — La poésie de Mlle Vivien est tout imprégnée de baudelairisme : elle ne pastiche d’ailleurs point l’auteur des Fleurs du Mal, elle le subit dans son être, elle pense comme lui et sa pensée prend tout naturellement la même forme d’expression.

O sommeil, ô mort tiède, ô musique muette !

dit-elle au sommeil avec de purs accents baudelairiens. Parle-t-elle à la mort :