Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/354

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Je vous l’ai dit, je suis affaiblie et très lasse...
Tel le dernier rayon du soir dernier s’efface...

Ma douleur m’apparaît très lourde et très légère.
Oubliez-moi qui suis une âme passagère.
 
Je suis venue ici, je ne sais pas pourquoi
Et j’ai vu des passants se détourner de moi.

Sans vous comprendre et sans que vous m’ayez comprise,
J’ai passé parmi vous, noire dans l’ombre grise.

Sans hâte et sans effroi, je rentre dans la nuit...
Avec tout ce qui glisse, avec tout ce qui fuit.

Je pars comme on retourne, allégée et ravie
De pardonner enfin à l’amour et la vie.


MON AMI LE VENT


Mon doux ami le vent, entre dans ma demeure
Et joins ta voix à ma voix lamentable et pleure...
Pleurons le jour, pleurons le soir, pleurons la nuit.

Pleurons avec la voix des femmes malheureuses
Sur la jeunesse morte et sur l’amour qui fuit
Malgré les bras tendus des tristes amoureuses.

Pleurons les jougs mauvais qui pèsent sur les fronts
Et sur tous et sur tout, ô mon ami, pleurons !
Pleurons le sort mauvais des êtres et des choses.

Plaignons les yeux que nul rayon d’or ne ravit,
Les vieux livres brûlés, la lente mort des roses...
O vent, mon ami cher, plaignons tout ce qui vit !

Qu’on s’éloigne de la grand’salle où l’ombre flotte
Et que nul ne m’entende alors que je sanglote
Avec le vent, avec mon doux ami le vent...