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vole jusqu’à celui qui a tout mon amour, pour lui en dire la douceur.

J’irai vers l’alizier qui se dore en automne, l’arbre aux fruits précieux plus beaux que des bijoux, je lui dirai : Que ta feuille s’envole, par elle il connaîtra l’ardeur de mon amour. Tu feras un bouquet des frêles messagères et tu les laisseras se flétrir sur ton cœur.

Qu’y a-t-il au fond des landes tristes à la fin du jour ?

Le dernier rayon du couchant, droit comme un couteau d’or.

Qu’y a-t-il sur les branches des chênes, quand l’ombre verse sa cendre fine sur les marais ?

Des poules noires qui vont dormir.

Qu’y a-t-il vers les cabanes aux toits ondulés, dans le silence gris des brumes ?

Des bergers hauts sur leurs échasses, de longs troupeaux qu’on n’entend pas.

Et dans mon cœur, si lourd de ton absence, qu’y a-t-il ?

Toi, mon grand amour, toujours toi.

(Le Livre pour Toi.)


LA JOCONDE



Femme, il est un serpent blotti dans ton sourire,
Un philtre meurtrier glissé dans tes doux yeux,
Et ta bouche troublante en aurait trop à dire
Si tu n’étais fantôme, au cœur silencieux.

Dans l’immobilité, tu vis, plus que la Vie,
Il plane un charme intense autour de ton front pur.
Ô sphinx hallucinant qui pense et qui défie,
Fleur au parfum mortel éclose sous l’azur.

Ta robe au ton nocturne et ta main compassée
Sous un calme perfide ont aussi leur pensée
Et ta beauté recèle un insolent mépris.

En vain je t’interroge, ô ma sœur inconnue,
Car le maître a placé son rêve dans la nue
Et nul ne pourrait dire à quel dieu tu souris.
 

(Palette de sonnets.)