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routes). En France aussi, la construction du réseau routier, au XVIIe siècle et surtout au XVIIIe siècle, contribua à transformer toute la vie économique du pays. Mais la supériorité du commerce maritime de l’Angleterre nous donne sans doute la raison pour laquelle la révolution industrielle en ce pays a été spontanée, tandis qu’en France l’introduction du machinisme et la création de la grande industrie sous l’ancien régime ont été surtout l’œuvre du gouvernement[1].

Le commerce est si bien la source de l’activité industrielle qu’au XVIIe et au XVIIIe siècle, le mot commerce désigne autant l’industrie que le commerce proprement dit. Même observation en ce qui concerne le mot anglais trade. — Remarquons encore qu’à cette époque ce n’est pas le producteur industriel qui va au devant des commandes, qui s’efforce de se plier au goût de la clientèle. C’est l’office du négociant en gros, de l’exportateur. L’armateur malouin Magon de la Balue fait ses commandes de soieries aux commissionnaires de Lyon ; il ne cesse de se plaindre de la fabrication défectueuse, des « infidélités » des fabricants, de leur peu d’application à satisfaire la clientèle ; et cependant à Lyon, ce sont déjà des maîtres marchands qui « contrôlent » la fabrication.

Toutefois, il ne faut pas oublier que l’industrie elle-même a, dans une certaine mesure, contribué à l’accumulation des capitaux. En Angleterre, on l’a vu, c’est le progrès de l’industrie drapière qui a déclenché le mouvement d’exportation, grâce auquel ce pays est devenu une si grande puissance maritime. Dans beaucoup de métiers, un certain nombre de maîtres s’enrichissent assez pour se différencier de leurs confrères et

  1. Voy. à cet égard les excellentes observations de Ch. Ballot, surtout en ce qui concerne l’industrie de la soie (L’introduction du machinisme, p. 300 et suiv.).