Page:Sée - Les Origines du capitalisme moderne.djvu/90

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des nègres, ne fit que de très médiocres affaires. En somme, les négociants préféraient la liberté du commerce, comme le montrent les déclarations des députés du commerce en 1701, et les colons partageaient leurs sentiments[1]. La concentration commerciale ne pouvait s’établir que malaisément en France.

La politique commerciale de Colbert a, en grande partie, échoué ; on n’est pas parvenu à supplanter les Hollandais, comme le montrent, par exemple, les tentatives infructueuses faites par le ministre pour enlever la suprématie qu’ils possédaient dans le commerce du sucre. Cependant, c’est au commerce colonial que vont de préférence les capitaux dont peuvent disposer les négociants. On se l’explique aisément : ce commerce procure les denrées tropicales si recherchées (sucre, épices, tabac, café) et sert de débouché aux produits de la métropole. Savary a exprimé très nettement les conceptions, non seulement de Colbert, mais de beaucoup de ses contemporains, lorsqu’il a écrit[2] :

Il est certain que ce commerce est plus avantageux aux négociants, au public et à l’État, que pas un de ceux qui se font sur nier par des voyages au long cours, en ce qu’on porte dans tous ces pays, chaque année, pour plus de 4 millions de livres de marchandises et denrées superflues en ce royaume, par la trop grande abondance qu’il y en a, et que l’on rapporte en France pour plus de 6 millions de livres, qui augmentent le revenu de l’État par les droits d’entrée et qui sont vendues et distribuées au public à la moitié moins de ce que les étrangers les vendaient avant l’établissement de la Compagnie d’Occident…. toutes lesquelles marchandises ne font aucun tort à pas une des manufactures du royaume. Et, ce qui est digne d’une grande réflexion, c’est que l’on n’envoie pas d’argent ou très peu dans lesdits pays, au lieu que, pour faire le commerce dans le Nord, sur la Baltique, en Moscovie et dans les Indes

  1. Cf. Ph. Sagnac, L’Histoire économique de la France de 1683 à 1714 (Revue d’Histoire moderne, t. IV, pp. 89-97).
  2. 2e partie, I-II, chap. X, t. I, pp. 537-538.