Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/48

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avaient tout entendu, étaient non moins étonnés. Félicie était au supplice ; Cunégonde était furieuse ; Clodoald était profondément humilié ; Laurent et Anne étaient effrayés.

Personne ne parlait. Le chemineau allait se retirer, fort content de n’avoir reçu aucun reproche pour son inconvenance, comme il l’appelait, lorsque M. de Castelsot, rouge de colère, se leva, et montrant le poing au chemineau :

« Misérable, canaille, lui dit-il, tu mens ; tu n’as pas touché à ma fille ; tu n’aurais jamais osé. Un gueux comme toi porter la main sur la fille du baron de Castelsot ! C’est impossible.

Le chemineau.

Pardon, monsieur le baron, c’est possible, puisque je l’ai fait. J’ai eu tort, je ne dis pas non, mais j’en ai fait l’aveu à monsieur le baron ; j’avais bu un coup, et tout le monde sait que lorsqu’un homme a bu, il ne faut pas lui en vouloir comme s’il avait tout son bon sens. Je ne suis pas un misérable ni une canaille ; je suis un bonhomme, affectionné aux enfants, et si monsieur veut bien me laisser voir la petite demoiselle, je lui renouvellerai mes excuses en toute humilité.

Le baron.

Mauvais drôle ! Oui, je ferai venir ma fille pour te confondre, pour prouver que tu es un gredin, un vaurien, un coquin, un menteur !… Cunégonde, cria-t-il en s’approchant de la fenêtre de la salle à manger, viens vite ; j’ai besoin de toi. »

Cunégonde accourut à l’appel de son père,