Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le visage enflammé de colère, le regard courroucé.

Cunégonde.

J’ai tout entendu, mon père : cet homme est un menteur effronté ; je ne l’ai jamais vu, je ne lui ai jamais parlé et, s’il avait osé me toucher, je l’aurais fait saisir par la gendarmerie et nous l’aurions fait condamner aux galères. »

Le chemineau l’avait examinée avec la plus grande surprise, et il avait en effet reconnu que Cunégonde n’était pas la petite fille qu’il avait rencontrée et corrigée.

Le chemineau.

Bien des pardons, mam’selle. En effet, vous avez raison, malgré que je n’aie pas tort. Ce n’est pas vous que j’ai rencontrée et corrigée. On m’a trompé ; je suis bonhomme et j’en conviens. Retirez donc vos injures, monsieur et mademoiselle, comme je retire mes excuses. Bien le bonsoir la compagnie. Je n’y ai pas eu d’agrément, quoique j’aie fait pour le mieux. Je ne vous ai pas donné d’agrément non plus, faut être juste. Ça se comprend ; un bonhomme de chemineau qui corrige une demoiselle, les gendarmes n’ont rien à y voir, et on ne condamne pas aux galères un homme qui a commis une inconvenance. Mais c’est tout de même drôle. »

Et, tournant le dos, il se retira précipitamment pour éviter une nouvelle fureur de M. le baron et de Mlle la baronne.

Le baron resta fort ému ; la baronne, droite et silencieuse, retenait sa colère à cause de la pré-